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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 décembre [1846], vendredi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon bien-aimé Toto, bonjour, mon adoré petit Toto, comment vas-tu ce matin ? Moi je vais bien mieux qu’hier. Je suis toute prête à faire une culotte si vous voulez me la fournir. Vous voyez qu’on ne peut pas aller mieux.
Eh ! bien, et ce fameux papier bon pour les chiens et les Juju qui écrivent, est-ce que vous ne me l’apporterez pas bientôt ? En attendant, je me plonge dans votre beau satiné jusqu’au cou ; je m’y goberge, je m’y délecte, j’y patauge avec délices, tant pire pour vous.
À propos de tant pire, je vous recommande de ne regarder que le Turc ce soir [1]]. Si vous avez le malheur de regarder aucune femme, de quelque sexe qu’elle soit, vous aurez affaire à moi. C’est bien assez de vous laisser raccrocher par des duchesses sur les arches du Pont-Neuf sans que vous y ajoutiez encore des infidélités avec les élèves du Conservatoire et les membresses du corps diplomatique. Je m’y oppose de toutes mes griffes, je vous en préviens. Si vous tenez absolument à faire des victimes, je vous permets d’en faire une de Mlle CÉLESTE Féau. Vous n’avez que bien peu de chose à faire pour l’achever car vous savez qu’elle vous trouve excessivement badin. Baisez-moi et remerciez-moi. Vous voyez que je suis bonne princesse mais n’en abusez pas. À bientôt, mon adoré. Je t’aime.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1846/06
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen


4 décembre [1846], vendredi après-midi, 1 h. ¾

Je t’aime, mon Victor adoré, je t’aime. Ce mot suprême que je tire du plus profond de mon cœur : je t’aime, je voudrais te le dire avec des mots de flammes afin qu’ils te pénètrent et te communiquent l’amour ardent qui me brûle. Je t’aime, je t’aime, je t’aime.
Que fais-tu, mon doux bien-aimé ? Où es-tu et quand viendras-tu ? Je t’attends et je te désire autant que je t’aime et que tu es ma joie. Tâche de venir bien vite. Tu sais que tu as une soirée aujourd’hui, il serait juste que tu me rabibochassesa du temps que tu lui donneras ce soir par un peu de bonheur pour moi dans la journée. Pour cela il faut que tu te dépêchesb de venir. Cher bien-aimé, mon amour, mon Toto, je sais que tu travailles, je sais que tu ne t’appartiens pas. Je le sais, je le sais, je le sais, mais tu es mon bonheur et ma joie, c’est ce qui me fait tant insister pour que tu viennes dès que tu as un moment de répit.
Le cousin de la mère Lanvin est venu tout à l’heure me dire que sa cousine était malade et que c’était ce qui l’avait empêchée de venir tous ces derniers temps, que le médecin pensait qu’elle pourrait sortir la semaine prochaine et que sa première sortie serait pour moi. Du reste, M. Pradier n’a pas encore payé M. Triger et n’a pas même dit quandc il le paierait [2].
Voilà, mon cher petit homme, les nouvelles d’aujourd’hui. Elles sont médiocres comme tu vois mais je t’aime plus que jamais et je te bénis à tous les instants de ma vie.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1846/07
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « rabibochasse ».
b) « dépêche ».
c) « quant ».

Notes

[1Fête et concert donnés par Guizot en l’honneur du bey de Tunis ; Hugo s’y entretient de Pie IX avec Guizot. [Bouquins, Histoire, Choses vues, Faits contemporains, p. 680-681]. [Massin

[2Il s’agit des soins apportés à Claire Pradier avant sa mort en juin 1846.

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