22 décembre [1849], samedi matin, 8 h. [1]
Bonjour mon cher petit homme, bonjour ma joie, ma vie et mon bonheur. Tâche que je puisse te conduire tantôt à l’Assemblée pour que n’aie pas le regret d’être restée un jour sans te voir sans un empêchement sérieux [2]. Il le faut si tu veux que ce dîner ne me paraisse pas maussade et insipide. Pour que je puisse prendre goût à quelque distraction j’ai besoin d’avoir mon pauvre cœur content et il ne saurait l’être quand je ne t’ai pas vu me sourire, quand je n’ai pas entendu ta douce voix, quand je n’ai pas senti ta ravissante haleine sur mes lèvres. Cher adoré, pense au chagrin que j’aurais si tu venais trop tard pour que je te puisse conduire à la Chambre. Penses-y pour faire tous tes efforts pour venir de bonne heure. J’y compte, mon amour, et je t’en suis d’avance bien reconnaissante. Si, par impossible, tu revenais seul et assez tôt de chez Girardin ce soir, pousse jusque chez moi que j’aie le double bonheur de te revoir un jour ou j’ose à peine espérer te voir une fois. Si tu savais combien c’est vrai que toute ma joie, tout mon bonheur sont en toi, tu ne résisterais pas à la prière que je te fais et tu quitterais tout pour venir me surprendre dans mon sommeil comme autrefois. Tu sais, du reste que tu peux te faire ouvrir la porte toute la nuit car on ne la ferme jamais à la grosse clef. C’est peut-être peu prudent mais c’est commode si tu veux en user. Mon Victor adoré, je t’aime de toute mon âme. Je t’attends, je te désire et je t’espère.
Juliette
Vente Goxe et Belaïsch (Enghien) du 13 juin 2019
Transcription de Florence Naugrette