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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 décembre [1849], lundi matin, 8 h. 

Bonjour, mon pauvre doux adoré, bonjour, mon noble piocheur, bonjour, mon pauvre être courageux, bonjour, mon Toto bénia, bonjour. As-tu enfin trouvé un dîner chaud hier ? As-tu eu le temps surtout de changer de chaussures et d’habit ? Dans l’état où ils étaient, il aurait été bien imprudent à toi de les garder. Quand je pense que, fatigué et mouillé comme tu l’étais, tu as eu la bonté de venir me voir, je n’ai pas assez de tendresse, pas assez de reconnaissance pour t’en remercier. Mon Victor adoré, tu ne sauras jamais tout ce qu’il [y] a d’ineffable et de vénérable dans mon amour. Je t’aime de tous les amours à la fois, depuis le plus humble et le plus soumis jusqu’au plus fier et au plus passionné. Tu es tout à la fois si grand et si simple, si sublime et si doux, si beau et si bon qu’il est impossible quand on t’aime de ne pas t’aimer de tous les amours. Seulement j’ai peur que tu ne te sois enrhumé hier. J’ai hâte d’être à tantôt pour savoir jusqu’à quel point mes craintes sont fondées. Je trouve que pour les temps aussi humides que ceux-ci, tes souliers à liège ne sont pas suffisants et qu’une bonne paire de bottes te vaudrait mieux. Si j’étais avec toi, je te tyranniserais pour ces choses-là car j’exigerais que tu aies toujours un vêtement de rechange, quelle queb soit la saison, et des chaussures toujours bonnes. Malheureusement, je n’ai pas ce droit de vous tourmenter à domicile et d’être votre maîtresse partout et ailleurs, ce dont j’enrage, surtout dans des occasions comme celle d’hier.

Juliette

MVHP, Ms a9062
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « bénit ».
b) « quelque ».


3 décembre [1849], samedi matin, 8 h. ½

Je t’écris coup sur coup, mon cher petit homme, parce que je voudrais aller au bois tout à l’heure et ne pas manquer pour cela l’occasion de t’accompagner à l’Assemblée. D’un autre côté, j’ai promis à Eugénie, si je rentrais de bonne heure, de la présenter elle et son toutou à ma marquise, qui désire les voir. Je lui dois d’ailleurs une visite de digestion. Il est impossible de répondre avec plus de froideur et de nonchalance apparentes à l’empressement et à la cordialité affectueux de ces braves gens, que je ne le fais grâce au mauvais temps, à ma paresse, à l’habitude casanière que j’ai prise depuis dix-sept ans et à mon peu de goût pour tout ce qui n’est pas toi. Cependant, il faut que je m’exécute d’une visite aujourd’hui et je profiterai de l’occasion pour y mener Eugénie et son chien si je rentre de bonne heure. Mais tout cela ne me sourit pas comme le ferait la pensée et l’espoir d’une prochaine culotte avec vous. Il s’en faut. Hélas ! Cet espoir s’efface de plus en plus de mon horizon politique et Jujulien. Tous les jours apportenta leurb petite impossibilité entre nos deux existences, si bien que bientôt elles seront si complètement séparées qu’elles ne se connaîtront plus. Ce jour-là, tout sera dit pour la pauvre Juju. En attendant, elle regarde avec tristesse et avec effroi s’amonceler, sous formes d’affaires politiques et littéraires, le mur qui la séparera de vous à tout jamais. Cher, cher adoré, prie le bon Dieu de me prendre avant cet affreux malheur pour m’épargner le désespoir et à toi peut-être un remordsc. Je baise tes chers petits pieds.

Juliette

MVHP, Ms a9063
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « apporte ».
b) « sa ».
c) « remord ».

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