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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er décembre 1849

1er décembre [1849], samedi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, je t’aime ; tu es bon et charmant d’être revenu hier au soir malgré cet affreux mauvais temps, je t’aime. Quand tu voudras je te continuerai le monologue en action de la pensionnaire….. du Théâtre-Français. En attendant, je suis plus convaincue que jamais que tu es mon bien-aimé ravissant qu’il faudra que je tue un jour. C’est [plusieurs mots illisibles] comme ça. Jusque-là tu feras bien de m’apporter le plus possible à copier pour me faire prendre patience. Tu ferais bien aussi de m’apporter les mesures de ta causeuse car Eugénie vient demain et je les lui donneraia. Penses-y mon cher petit homme. Il m’est désagréable de savoir que j’ai quelque chose que tu désires quand je ne veux pas te le donner. Mais je serais on ne peut pas plus contente de contribuer à te satisfaire avec le secours d’Eugénie. Tâche de profiter de ma générosité le plus tôt possible

2e feuille, 1er décembre [1849], samedi matin, 8 h. ½

parce qu’on ne sait pas ce qui peut arriver (sans lui) et cela me contrarierait on ne peut pas davantage si tu manquais par ta faute d’avoir un beau coussin comme le mien. Maintenant es-tu décidé pour tes chemises en coton ? J’en demanderai le prix tantôt et je les ferai faire tout de suite pour que tu en profites dans la saison même où elles peuvent rendre service. Dans ma conviction, outre le bien hygiénique qu’elles te feront, il y a le bon service de te ménager des chemises en toile chères pendant la plus mauvaise saison de l’année. Maintenant que je vous ai parlé littérature, beaux-arts, industrie et ménage, permettez-moi de finir par le sentiment et de vous rappeler que vous êtes mon Toto que j’aime et que j’adore depuis dix-sept ans. Permettez-moi encore d’y joindre un bon conseil : celui de ne pas user des Chaumontel jusqu’à la corde et de ne pas abuser de votre Juju jusqu’à la corne. À présent baisez-moi et soyons bons amants jusqu’à la fin de nos jours, je ne demande que cela.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 335-336
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « donnerais ».


1er décembre [1849], samedi matin, 9 h. ½

À la bonne heure voilà du papier sur lequel les stupidités glissent comme sur des roulettes, tandis que sur vos affreux chiffons de papier imprimé je suis obligée de m’y reprendre à plusieurs fois pour dire une bêtise. C’est humiliant quand on sent qu’elle vient d’abondance et tout naturellement, ce qui ne m’empêche pas à défaut de culotte et de souvenir du roi Dagobert, de mettre mon papier à l’envers. Avec tout cela je ne sais pas comment je ferai pour être prête à 1 h. ½ à cause de ma peignerie à fond ? Enfin je ferai tout mon possible pour n’être pas en retard. Mais j’aurais bien désiré aller au bois par une belle matinée comme celle-ci. Il faudra pourtant bien que je prenne mon courage à deux mains et une bonne et entière matinée pour faire cette corvée. Comme c’est Suzanne qui le rentre elle ne peut pas le surveiller en même temps et j’ai si peu de confiance dans la portière que je désire être là tout le temps de l’opération. Tout cela est bien prosaïque et bien Harpagona mais nous sommes si près de nos pièces qu’il ne faut dédaigner aucune économie, même quand elle coûte beaucoup trop cher au cœur. C’est ce qui fait que je m’imposerai la privation de ne pas t’accompagner le jour où j’irai au bain. Mon cher petit bien-aimé, ce que je te raconte là ce n’est pas pour t’intéresser mais pour m’encourager à faire mon devoir, car si je n’en croyais que mon penchant je planterais tout là pour te suivre comme un pauvre barbet crotté partout où tu voudrais m’emmener tant j’y trouve mon bonheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 337-338
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « arpagon ».

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