30 novembre [1849], vendredi matin, 8 h. ¾.
Bonjour, Toto, bonjour, mon Victor, bonjour. Je ne sais pas ce qui arrivera aujourd’hui, mais d’avance je suis déjà grippée et toute ragnagna [1]. Cependant, je n’ai encore marché sur aucun ermitea.
Je ne sais vraiment pas à quoi cela tient mais je suis hargneuse ce matin, comme un chien, et je voudrais trouver à mordre quelqu’un qui serait toi dans l’espérance d’en emporter au moins un bon morceau. A présent qu’il m’est impossible de t’avoir tout entier, je suis bien forcée de te désirer en détail plutôt que d’y renoncer tout à fait. Ma mauvaise humeur ne m’empêche pas de me souvenir que tu m’as promis quelque chose à copier au contraire. Aussi je le réclame à cors (et je n’en manque pas) et à cris. Tâche que ce soit bientôt
2e feuille 30 novembre vendredi matin, 8 h. ¾
puisque cela dépend tout à fait de toi. S’il ne fallait que t’en prier à deux mains trois cœurs, il y a longtemps déjà que tu m’aurais donné cette joie car depuis un an je t’en ai supplié bien des fois. Serai-je plus heureuse cette fois-ci ? J’en doute mais cela ne me rebute pas. Tantôt, ce soir, demain, après-demain, toujours, je te ferai la même prière et je ferai jouer ma scie. En attendant, c’est moi qui suis sciée dans toute ma longueur par tous les guignons qui s’exercent sur mon infortunée carcasse. Mais n’entamons pas ce chapitre qui nous ramènerait à mon point de départ de tout à l’heure, ce qui ne serait pas bien drôle. J’aime mieux croire que je suis GEAIE, que je suis aimable et charmante, et que vous m’aimez comme quatre et que vous me baisez idem.
Juliette
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Harvard
[Barnett et Pouchain]
a) « hermitte ».