2 septembre [1849], dimanche soir, 11 h.
Il est probable, mon bien-aimé, que je n’achèverai pas cette lettre avant d’avoir été savoir chez toi comment tu vas ? Chaque seconde qui s’écoule ajoute un siècle d’inquiétude et de torture à mon pauvre cœur… J’ai beau vouloir me donner le change et me dire que cette lenteur de Vilain est un bon signe et qu’il serait revenu plus tôt si tu étais plus souffrant [1], je ne parviens qu’à redoubler de plus en plus mon inquiétude. Le voici.
11 h. ¼
Cher, cher adoré, il m’assure que tu vas bien mieux, que tu n’as plus ces vives douleurs des jambes qui étaient déjà calmées tantôt. Il m’a juré que tu étais mieux, que tu espérais passer une bonne nuit et que tes enfants n’avaient aucune inquiétude. Dieu soit loué et béni, mon cher bien-aimé, pour s’être rendu si vite à mes prières. Maintenant que je suis plus tranquille, je voudrais bien savoir quelle est la femme en noire qui se trouvait chez toi dès que j’en ai été sortie ? Il me semble que tu n’avais pas d’autre personne du sexe........ domestique qu’Isidore [2] ? Sans être trop curieuse je voudrais bien savoir d’où venait la négresse officieuse, sinon officielle, que vous aviez en réserve derrière mes talons ? Je vous demande cela mais vous êtes libre de ne pas me répondre. J’aime mieux même que vous acheviez de vous guérir, que vous buviez votre tisane de bourrache INFUSÉE, que vous suiez toute la nuit et que vous dormiez d’un seul somme jusqu’à demain 10 h., heure à laquelle je ferai invasion chez vous le cœur plein de reconnaissance, d’amour et de joie si vous avez tenu votre promesse d’être guéri d’ici à demain. Jusque-là, bonsoir, bonne nuit, bonne santé et bonheur, mon doux être adoré.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16367, f. 239-240
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse
[Blewer]