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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 juin [1849], samedi matin, 7 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, ne te réveille pas encore, mon bien-aimé, repose-toi bien et ne te lève que le plus tard possible. Mais je pense que tu m’as dit que tu avais des ouvriers aujourd’hui, ce qui te forcera à te fatiguer encore. Je connais ce genre d’occupations les plus fastidieuses et les plus fatigantesa du monde à cause du remue-ménage qu’on fait et de la poussière qu’on avale. Si j’étais auprès de toi, j’essaierais de t’épargner cet ennui et cet aria [1], mais peut-être que cela ne se pourrait pas si ce sont des choses trop difficiles. Quant à moi, j’ajourne depuis longtemps l’enlèvement des tapis et le nettoyageb de ma maison, non pour la peine que cela me donnera, mais parce que cela me privera pendant deux ou trois jours du bonheur d’être avec toi, chose que je redoute plus que tout au monde. Aussi je recule le plus que je peux jusqu’à ce que la nécessité impérieuse me force à prendre mon courage à deux mains. Si je pouvais savoir un jour où tu n’irais pas à l’Assemblée sans que je puisse pour cela te voir davantage, j’en profiterais pour faire mon bacchanalc [2] ; mais il faudrait que je fusse prévenued pour que Jourdain arrive en temps opportun, ce qui n’est guère possible puisque toi-même tu ne le sais jamais d’avance. Il faudra absolument que je prenne un grand parti. D’ici là, je tâcherai d’accrocher le plus de bonheur possible. J’y mettrai tous mes soins et tout mon savoir-faire et si je ne réussis pas [à] en avoir beaucoup, j’aurai la consolation médiocre de penser que ce n’est pas de ma faute. Baise-moi, cher adoré, et prends garde de te refroidir car le temps est très rafraîchi. Viens le plus tôt possible et ne te fatigue pas. Je t’aime en attendant plus que tu ne peux le contenir et le supporter. Je t’aime par-dessus les bords.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 169-170
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « fatiguantes ».
b) « netoyage ».
c) « bachanal ».
d) « prévenu ».

Notes

[1Aria : « amas de choses entassées pêle-mêle et encombrantes, obstacle imprévu, embarras, tracas » (TLF).

[2Bacchanal : « Grand bruit, vacarme, tapage provoqué habituellement par des personnes, quelquefois par des objets » (ATILF).

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