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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 novembre [1845], mercredi matin, 11 h. ½

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, mon cher amour, je t’aime, comment que ça va ? Toujours travaillant comme un pauvre petit âne [1] sans perdre le temps de respirer pendant que moi je ne fais rien de bon. Je ne veux pas penser à cela, si c’est possible, parce que cela me rend trop honteuse.
Je t’ai mis ton journal L’Époque [2] de côté. Tu pourras remporter aussi La Revue du midi [3]. Eulalie commencera probablement tes caleçonsa aujourd’hui. Moi je voudrais bien travailler à mon tour. Pour cela il faut que tu m’apportes le livre en question. Si tu n’y penses pasb, je serai très contrariée et je m’en vengerai sur la tapisserie que je n’ai pas encore commencée et qui devient de jour en jour plus urgente, attendu que le crin et les élastiques du fauteuil montrent leurs cornes et usent mes robes. Tout cela est fort intéressant comme tu vois et mérite qu’on le dise en prose et en vers, qu’on le chante sur la lyre et sur la guimbarde et qu’on le couronne à l’Académie française.
Cher petit homme adoré, je vous aime. Je devrais me borner à vous le dire sans y ajouter les choses fadassesc et sans nom de mon intérieur. Je me promets tous les jours de ne plus le faire et je recommence tous les jours comme une bête que je suis. Baise-moi et ne lis pas toutes ces pauvretés. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 145-146
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tes calçons ».
b) « tu n’y pense pas ».
c) « les choses fadasse ».


12 novembre [1845], mercredi soir, 4 h. ¼

Tu ne viens pas, mon bien-aimé, tu n’as pas encore baigné tes pauvres yeux adorés et moi je t’attends et je te désire comme je désire la joie, le bonheur et l’amour puisque tu es tout cela pour moi. Que fais-tu, mon Victor, où es-tu, que ma pensée aille te retrouver et te dire tout bon que tu es, mon Victor adoré toujours plus beau et plus grand et toujours plus aimé et plus adoré ? Je viens d’entrouvrir mon rideau dans l’espoir de te voir apparaître à l’horizon. Quel bonheur si j’allais voir ta ravissante petite tête poindre à l’entrée de ma porte. Tu ne sais pas, mon Victor adoré, quelle impression de joie ineffable ta vue me cause. Depuis bientôt treize ans que je t’aime, je n’y suis pas encore habituée. C’est comme le premier jour. Aussi depuis le moment où tu franchis le seuil de ma porte pour t’en aller jusqu’à celui où tu reviens, je ne fais qu’un vœu : te revoir.
Mon Victor, mon Toto, mon amour, mon amant bien aimé, je t’aime. Pense à moi et tâche de venir bien vite. La nuit approche. Peut-être ferais-tu bien de venir prendre un peu de repos auprès de moi jusqu’à l’heure de ton dîner. Je le voudrais pour toi et pour moi qui ai autant besoin de te caresser que tu as besoin de repos.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 147-148
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Juliette joue avec les mots de la lettre précédente du 11 novembre au soir, où il est question d’un platane, qu’elle écrit « platâne » puis « plat-âne ».

[2L’Époque est un journal ministériel ultraconservateur fondé en 1845 par Adolphe Granier de Cassagnac qui en est également le directeur de publication. Il se veut complet, encyclopédique. Sa publication prit fin quinze mois après sa création. Dans le numéro du samedi 8 novembre 1845, Grimm publie une lettre adressée à Victor Hugo.

[3À élucider.

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