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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 juin 1845

17 juin [1845], mardi matin, 8 h. ¾

Bonjour, mon bien-aimé adoré, bonjour, mon ravissant petit Toto, bonjour. Comment va ton cher petit pied ? Je voudrais qu’il allâta bien pour que tu ne souffres pas d’abord et ensuite pour que tu puissesb te livrer à ton goût exagéré pour la promenade. Je ne sais pas si tu trouveras le temps d’aller à la Chambre, mais je voudrais bien que tu trouvassesc celui de venir me voir et de rester plus de deux minutes avec moi. Je le désire sans oser l’espérer.
Cher bijou, il faudra pourtant que tu me fassesd écrire à M. Démousseaue. Je voudrais éviter la visite de ce Garnier. Pour cela, je crois nécessaire de tenter un nouvel arrangement avec lui. Cela t’ennuiera beaucoup et te fatiguera un peu, mais j’espère que ce sera la dernière fois pour celui-là. Moi qui voudrais tant ne pas t’obséder et t’ennuyer. Je ne fais que cela depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre. Oh ! Si j’avais su t’aimer un jour, jamais je ne me serais mise dans une si hideuse position. Je suis bien cruellement punie aujourd’hui que tout mon désordre passé retombe sur toi. Mon Victor adoré, pardonne-moi, car je t’aime plus que ma vie. Le jour où tu ne m’aimerais plus, je ne pourrais pas vivre. Tu sais bien que c’est bien vrai, n’est-ce pas, mon Victor ? En attendant que tu viennes, je baise toute ton adorable petite personne depuis le haut jusqu’en bas.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 307-308
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « qu’il alla ».
b) « tu puisse ».
c) « tu trouvasse ».
d) « tu me fasse ».
e) « Démousseaux ».


17 juin [1845], mardi après-midi, 3 h. ½

Merci, mon cher bien-aimé, merci, mon roi, merci, vous m’avez traitée en reine, merci, vous êtes mon Toto généreux que j’aime et que j’adore. Il faudra que vous complétiez le cadeau par quelques petites précieuses pattes de mouches de votre jolie main et puis je serai la plus heureuse Juju du monde.
Je viens de recevoir une lettre de Mme Luthereau. Je vous attendrai pour l’ouvrir. Je regrette que vous n’ayez pas pu me dire l’heure au juste à laquelle vous viendrez. Il m’est toujours désagréable de vous faire faire un mauvais dîner. Enfin c’est votre faute, tant pis pour vous si vous mangez mal puisque ce sera votre faute. Dieu, quelle chaleur. Vous triomphez, cher petit lézard, tandis que moi, je tire une langue démesurée. Si je m’écoutais, je boirais toute la journée. Décidément je n’aime pas la chaleur. Je n’aime que le frais. Je suis fâchée si cela vous paraît monstrueux. Ce qu’il y a de bien sûr, c’est que je suis stupide. Je crois, sans farce, que cela tient à la chaleur. Il me semble que ma pauvre cervelle est frite. Je ne trouve pas une seule idée, même à l’état de persil pour mettre dessus. Je suis bête, stupidement bête. Je sens que je t’aime et puis c’est tout. Pardonne-moi, mon Victor, cette recrudescence de stupidité. Il me semble que s’il faisait moins chaud, je serais plus supportable. En attendant, il faut que je me résigne à mon sort et toi aussi : baise-moi et aime-moi malgré mon infirmité.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 309-310
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

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