Guernesey, 21 avril 1860, samedi matin.
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour mon adoré, comment vas-tu ce matin et comment as-tu passé la nuit ? Si c’est [bien ?] je suis contente et je n’en demande pas davantage à Dieu mais si c’est mal alors je me rebiffe et je lui demande compte de ton insomnie et de la mienne. Je consens bien à peu ou point dormir mais je ne veux pas qu’on te retranche une minute de ton bon sommeil ou je me fâche. Du reste il fait un temps et un soleil verdâtre qui vous donnent la chair de poule. Je suis dans mon lit sans pouvoir me réchauffer et pour peu que cette jolie température persiste je suis capable de passer à l’état d’oursea blanche. J’en ai déjà le pelage, il ne me reste plus qu’à acquérir l’ONGLÉE [1] et je sens qu’elle me pince de jour en jour mais avant l’entier accomplissement de cette métamorphose polaire je vais essayer aujourd’hui de raccommoder ton bas [2], ce ne sera pas de ma faute si je n’en viens pas à bout. Ce ne sera pas la faute non plus de Marquand s’il ne passe pas à l’état de grand penseur devant Dieu et devant les hommes…….de la Presse : il est vrai qu’il s’appuie sur le FORT et le faible et qu’il met en réquisition les plumes d’oie et les plumes de fer de la ville et de la banlieue. Mais quoi qu’ilb fasse et malgré le sujet plus qu’intéressant qu’il publie je crains qu’il reste à tout jamais le plus grand écrivain [illis.] de [Paris ?] [illis.] de la Manche. Comme je serai toujours celle qui vous aimera le mieux.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16381, f. 89
Transcription de Claire Villanueva
a) « ours ».
b) « quoiqu’il ».