Guernesey, 18 février 1860, samedi, 8 h. du m[atin]
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, mon pauvre enrhumé, bonjour, comment vas-tu ce matin ? As-tu bien dormi malgré ton rhume ? Comment va ta tête ce matin ? Je ne saurai tout cela que tantôt mais jusque-là je vais tâcher de t’enlever tous tes bobos à force d’amour et de tendresse magnétique. Je n’étais pas triste hier, mon adoré, mais sérieusement mécontente de Suzanne dont le service se relâche de plus en plus grâce à tes gâteries familières et à ma trop débonnaire indulgence. Encore un peu et elle serait tout à fait intolérable et impossible. Ce n’est pas la première fois que je te le dis, mon cher bien-aimé, sans que tu y fasses autrement attention mais je t’assure que tu as tort de ne pas tenir compte de mes plaintes. Mais je te le répète, mon bien-aimé, je n’étais pas triste et ma maussaderie était toute DE domestique et non dans mon cœur qui, lui, était tout en feu, en fête et en joie au souvenir de notre premier embrassement. Je vous dirai même que les illuminations brûlent encore ce matin et continueront de brûler aussi longtempsa qu’il y aurait de l’huile dans mon âme : ATTRAPÉb ! Ici comme bouquet pluie de baisers, pas de M. Ruggieri [1], mais de moi.
Juju
BnF, Mss, NAF 16381, f. 27
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « attrappé ».