Guernesey, 1er janvier 1860, dimanche matin, 8 h
Je suis guérie, mon cher bien-aimé, car ma santé c’est ton amour. Je me sens heureuse et bénie dans chacun de tes mots, de tes sourires et de tes baisers. Merci, mon sublime et divin adoré, merci de tout mon cœur et de toute mon âme, avec tous les doux souvenirs de notre passé et toutes les radieuses espérances de l’avenir.
Je souhaite que tout ce que tu désiresa en ce monde t’arrive, ainsi qu’à ta noble et digne femme et à tes chers et courageux enfants. Ce vœu, malgré sa formule banale, est l’expression tendre, religieuse et sincère de mon amour et de mon dévouement pour vous tous et j’y associe la pensée sainte de nos deux enfants du ciel [1] en les priant d’obtenir de Dieu tout ce que je lui demande pour toi et pour les tiens de gloire et de bonheur.
Je suis si émue, cher adoré, que je sais à peine ce que je t’écris. Tout mon être vibre comme une harpe en songeant à toi si grand, si bon, si glorieux, si doux et si tendre. Je sens que je t’aime plus que mon être humain ne peut contenir. Je t’aime au-delà de cette vie et je t’adore presque comme si je n’étais plus qu’une grande âme. Je suis comblée, je suis heureuse, je suis au ciel. Je baise en pensée toutes les précieuses reliques que tu me donnes aujourd’hui : mon grand dessin, mon petit encrier [2], et ma divine petite lettre que j’ai déjà presque dévorée et je t’attends pour te faire subir le même sort. Je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16381, f. 1-2
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « désire ».