Guernesey, 4 mai 1859, mercredi. 7 h. ½ du m[atin]
Bonjour, mon cher adoré bien-aimé, bonjour ma joie. Je te souris au saut du lit pour te montrer que j’ai passé une bonne nuit et que je me fiche de la bourrasque et de l’averse. Il fait un froid de chien, mais je me réchauffe en faisant courir et battre la semelle à mes pattes de mouchea. Sans compter que j’ai du feu et même de la fumée.
Cher adoré, je me suis donnée pour tâche ce matin d’écrire à mon frère, à mon neveu et à ma cousine de Rouen. Ça n’est pas une petite besogne pour une vieille paresseuse comme moi, mais l’encre est tirée et je veux la leur faire boire jusqu’à la lie. Aussi, je m’épêche de vous bâcler mon amour en deux temps trois pataquès, pour être plus tôt hors de ma correspondance de famille. Sur ce, baisez-moi, vous, et prenez garde de ne pas vous enrhumer et tâchez de venir bien vite vous réchauffer à mon cœur.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16380, f. 118
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette
a) « mouches ».