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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 janvier [1844], samedi matin, 11 h. ¾

Bonjour mon Toto bien aimé, bonjour mon adoré petit homme. Bonjour, bonjour je t’aime. As-tu pris un peu de repos cette nuit ? Ta pauvre tête va-t-elle mieux ? Moi, comme tu vois, je fais la paresseuse, je t’écris toujours de mon lit dans lequel je reste le plus que je peux. Si je pouvais t’aider en quoi que ce soit, je serais bien vite levée, ma foi témoin quand nous sommes en voyage et que j’ai les sacs de nuit à faire pour partir en diligence. Mais loin de toi je n’ai de cœur à rien qu’à t’aimer et je resterais des journées, des mois et des années absorbéea dans mon amour sans bouger de la même place et sans m’intéresser à rien qu’à ce qui se passe dans mon cœur et dans le tien. Le reste m’est égal comme deux œufs. C’est si vrai que je n’ai pas encore pu prendre sur moi d’écrire à ces pauvres gens de Brest [1] pour les remercier. Il faudra pourtant que je le fasse le plus tôt possible. En attendant, je reste dans mon lit comme une vieille patraque que je suis.
Voime, voime, ne vous y fiez pas car je suis très capable d’aller monter la garde autour des monuments que vous admirez et de vous passer mon grand couteau à travers du corps net comme Dominus [2]. Si le commencement de cette phrase ne vous paraît pas intelligible, demandez-en l’explication à Mlle Ida [3]
Tout cela, comme tu vois, n’est rien moins que spirituel et je ferais mieux de t’aimer tranquillement sans t’écrire des bêtises qui n’ont même pas la drôlerie nécessaire pour les faire passer. Je sens cela plus que je ne peux te le dire. Je t’aime, mon adoré, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 47-48
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « absorber ».


13 janvier [1844], samedi soir, 6 h.

Il est bien tard, mon Toto bien aimé, et je ne t’ai pas encore vu d’aujourd’hui. Est-ce que tu ne trouves pas le temps long aussi, toi ? Pour moi, chaque minute qui s’écoule me semble une heure tant elle me pèse sur le cœur. Je te dis toujours la même chose et ça n’est pas bien amusant mais que veux-tu que j’y fasse ? Je n’ai qu’une pensée dans la tête, toi. Qu’un besoin dans le cœur, te voir. Avec ça on n’est pas très varié dans ses discours ni dans ses gribouillages. Ce n’est pas la faute du guet ni celle de la pauvre Juju encore moins. J’espère qu’il fait joliment froid aujourd’hui. J’aurais bien aimé marcher avec vous sur le boulevarda ou partout ailleurs où il vous aurait plu de m’emmener. Je sens que j’ai besoin d’air et d’exercice. Voilà plus d’un mois que je n’ai mis le pied dans la rue. Maintenant qu’il n’y a plus de danger pour le nez du célèbre [Cestur [4]  ?]. Il faut me faire marcher si tu ne veux pas me faire mourir d’un coup de sang ou de gras fondu. Cela te forcera, en même temps, à rester un peu plus de trois secondes avec moi. J’exige aussi et encore plus impérieusement, que vous repreniez votre service ce soir. Votre congé a été beaucoup trop prolongé, je n’entends pas le rendre illimité. Dès ce soir vous reprendrez vos fonctions.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 49-50
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « boulevart ».

Notes

[1Sa sœur et son beau-frère.

[2Expression que Juliette utilise régulièrement pour exprimer ses menaces jalouses.

[3Ida Ferrier, comédienne, maîtresse puis épouse d’Alexandre Dumas, avait remplacé Juliette dans le rôle de Jane, dès le lendemain de la première de Marie Tudor le 7 novembre 1833.

[4À élucider.

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