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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 septembre [1842], jeudi soir, 5 h. ¾

Je viens d’avoir avec la Ribot une conversation d’une heure des plus pénibles et des plus fatigantes ; j’en suis presque imbécile, sans la moindre fatuité. J’ai les joues en feu, je ne sais plus où j’en suis. Je crains d’avoir fait une sottise mais dans tous les cas, comme il faut ton consentement et ta participation pour l’accomplir entièrement, tu seras toujours maître de n’y pas consentir. Enfin voilà ce que c’est. J’ai presque promis en ton nom la somme de quatre mille francs payable de mois en mois à partir de 1843 par fraction que je n’ai pas désignée. Cette somme qui te paraît énorme et qui l’estb en effet, n’est cependant que le quart des prétentions de cette femme dont la somme capitale se monte déjà à huit mille francs, plus dix mille francs frais et intérêts que LA LOI LUI ACCORDE. Je sais bien que je peux lui échapper comme je l’ai déjà fait jusqu’ici mais, mon Dieu, tu sais comment et à quel prix ! J’avoue que la pensée de recommencer cette vie de scandale et d’enfer m’effraye au point de ne pas hésiter entre un sacrifice monstrueux et cette lutte atroce de tous les jours et de tous les instants. Au reste, mon ami, tu en décideras, je ne ferai en somme que ce que tu voudras. Et si tu aimes mieux la lutte, je lutterai, j’y mettrai tout le courage que je pourrai mais notre pauvre petit intérieur si tranquille et si doux, que deviendra-t-il ? Hélas ! Voici le temps que je redoutais venu, Dieu veuille qu’il ne te fasse pas reculer après l’avoir accepté de loin. N’oublie pas toujours, mon adoré, que j’ai résisté autant que je l’ai pu, que je ne t’ai rien caché ni rien dissimulé de ma mauvaise position, que je t’avais prévenu, à l’époque près, de ce qui arriverait infailliblement. Ceci n’est que le commencement, où en est ton courage ? Et où en sera ton amour si tu vas jusqu’à la fin, je n’ose pas le prévoir ? Je t’aime, mon Victor, je suis bien triste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 145-146
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « fatiguantes ».
b) « qu’il l’est ».

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