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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 mars 1837

5 mars [1837], dimanche soir, 10 h. ½

Mon bon petit homme, j’ai attendu jusqu’à présent à t’écrire, pour le faire avec plus de loisir et plus d’épanchement, car la présence d’un tiers quel qu’il soit est toujours gênante dans ces sortes d’affaires, où on n’a pas trop de toute sa tête et de tout son cœur pour dire je t’aime. Mme Pierceau qui attendait sa bonne, ne s’en est allée qu’il y a quelques minutes.
Cher ange adoré, voici que j’entends la sonnette d’en bas. Si c’est toi tu me pardonneras un retard qui n’aura pas de dépendu de moi et je te promets [de] te payer mon arrière capital et [l’ ?]intérêt au centuple… Mais ce n’est pas toi ainsi, je poursuis ma bonne, ma charmante, ma douce tâche.
Je t’aime oto, je vous aime Loto, je t’adore Noto [1], je te chéris mon cher petit oto. Jour onjour. Vieux tyran, je vous cède, je ne me ferai tirer les cheveux qu’une fois par semaine, à condition que vous me laisserez vous tirer la langue plusieurs fois par jour, hein… hein… hein… hein… Dites donc mon petit homme est-ce que vous auriez l’impertinence de ne pas venir ce soir ? Ce serait bien mal à vous, car je vous aime de toutes mes forces et je n’ai jamais eu plus besoin de vous le dire que ce soir.
J’espère encore que vous vous raviserez et que vous allez venir bientôt embrasser votre pauvre petite femme, car enfin vous savez aussi bien moi que notre matinée est loin d’avoir été complètea. Je vous attends pour réparer le plus vite et le mieux qu’il vous sera possible cette espèce de choub blanc qui a fleuri dans notre champ aujourd’hui avec des feuilles de 36 pieds de haut, sans compter le large. Vous voyez mon bon petit homme chéri, combien je suis raisonnable et obéissante pour tout ce qui vous demandez. Cela vous prouve que je suis bien honnête et bien loyale dans toutes mes actions, et par dessus tout que je vous aime comme jamais homme n’a été aimé.
Ne m’en sachez aucun gré parce que tout ce que je fais c’est de l’amour-même et qu’il serait absurde de remercier ma pauvre âme quelconque du bonheur qu’elle se donne à elle-même. Je ne veux pas non plus que vous remerciez des Baisers que je vous donne et qui me font tant de plaisir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 237-238
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « complette ».
b) « choux ».

Notes

[1Variante de « Toto ».

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