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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 janvier [1842], dimanche midi ¼

Bonjour Toto, bonjour mon Toto, je ne suis pas bien contente, comme vous devez penser, car vous avez manqué à notre cher petit rendez-vous annuel qui, s’il n’avait pas lieu le premier janvier, avait toujours été jusqu’à présent le lendemain. Aussi, mon Toto chéri, n’attendez pas de moi que je vous dise des douceurs parce que je n’ai pas la moindre envie ce matin. Tout ce que je pourrais faire, ce serait de vous demander s’il a crié quand il m’a mordu ? Taisez-vous, vilain Toto. Vous n’êtes ravissant que sur le papier. Du reste, vous êtes un monstre. Je vous défends d’aller aux Variétés sans moi. Je vous le défends et redéfends, entendez-vous ? Eh bien, et notre Dédé, a-t-elle été surprise ? A-t-elle été contente et la petite maison des champs a-t-elle plu ? Le petit caban et leurs manchettes ainsi que les petits souliers et la plume ont-ils fait fureur ? C’est la seule que j’aime à présent parce que je ne retire pas mes frais. D’un autre côté, ce n’est pas la peine de les faire. Cela ne m’a pas empêché cette nuit de lire et de baiser votre chère petite lettre et de rebaiser et de relire ce bon petit papier adoré ce matin [1]. Mais vous ! [illis.] pas souvent que je vous baiserai. Je vous mordrai si vous vouliez mais vous baiser jamais vous êtes trop gentil. Et ma surprise ? Voime, voime, je la connais d’avance. Baise-moi, cela me surprendra encore plus car la chose devient de jour en jour si rare que cela passe à l’état d’ÉVÉNEMENT SURPRENANT. Baise-moi, chien de Toto. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 5-6
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette


2 janvier [1842], dimanche soir, 11 h. ½

Voici une heure que Mme Pierceau est repartie et depuis ce temps-là, je n’ai pas pu t’écrire parce que j’avais mon linge à compter pour demain.

Lundi 3 janvier, 4 h. ¼

Je vous écris à la suite de la gribouille déjà commencée quand vous êtes venu hier au soir. Vous pensez que je ne veux pas GASPILLER du papier blanc INUTILEMENT. Si vous croyez que vous êtes drôle, vous vous trompez joliment. Il paraît que vous ferez durera la surprise de vous attendre indéfiniment jusqu’en l’an de GRAISSE 1843 ! Ia ia monsire dodo, mais fous bourriez bien m’addentre auzi à vodre dour pien blu longtemps que za. Daisez-fous, daisez-fous, che fous tis. J’ai lavé les taches d’encre à plein vinaigre et cela m’a parfaitement réussi. Il reste seulement un petit terne comme quelque chose qui a été très mouillé et très frotté, mais en somme, à part le verre cassé de vingt sous et ma chemise à coucher pleine d’encre, le malheur est insignifiant. Ma Clarinette a dessiné toute la journée le masque du duc de Reichstadt. Elle n’est pas contente et se promet de recommencer demain avec une nouvelle ardeur. Je voudrais bien savoir qu’est-ce qui pourrait vous en donner à mon endroit de l’ardeur. Depuis l’année passée, Dieu merci, vous ne vous êtes pas fouléb la rate à me prouver QUOI QUE CE SOIT, c’est vraiment pas assez. Maintenant baisez-moi et aimez-moi ou sinon je vous tue. A-t-il crié quand il m’a mordu ? [2]

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 7-8
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « duré ».
b) « foulez ».

Notes

[1À chaque nouvel an, Hugo envoie à Juliette une lettre rituelle. Le 1er janvier, il lui a adressé un poème de trois quatrains, « Janvier est revenu. — Ne crains rien, noble femme !  » qui sera publié dans Dernière Gerbe (I, 12).

[2À élucider.

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