Guernesey, 28 juillet 1860, samedi matin, 7 h. ¾
Bonjour, mon cher adoré, bonjour. Comment va le bobo ? A en juger par ta pantomime tout à l’heure cela irait bien. Mais tu es si bon et si admirablement courageux et charmant au milieu des plus grandes souffrances qu’il serait très possible que, malgré ta télégraphie gaillarde de ce matin, tu aies passé une très mauvaise nuit. J’espère que non et surtout je le désire de toute mon âme ; mais en attendant je n’en sais positivement rien. Je vois avec regret le temps à la pluie parce que cela renverse nécessairement ta petite marmitea chez moi. Je m’étais fait une joie et une consolation de pouvoir te donner un bon petit dîner [1] de RÉGIME et de te dorloterb en te soignant toute la soirée sans rien déranger de la partie de pique-nique [2] projetéec chez toi. Aussi je n’y renonce pas sans regret. Mais pourvu que tu ne souffres pas trop et que ton bobo n’empire pas, tout en suivant sa marche naturelle, je me soumets de grand cœur à cette privation et j’en remercie Dieu de toute mon âme. Cher adoré, mon pauvre bien-aimé, comment as-tu passé la nuit ? As-tu assez bien dormi ? Ton bobo est-il beaucoup plus douloureux qu’hier au soir ? Je suis impatiente de savoir tout cela et pourtant je désire que tu prennes tout le repos que tu pourras et que tu dormes jusqu’à midi si c’est possible et si cela t’est nécessaire, trop heureuse si tu m’apportes de bonnes nouvelles de ton [illis.].
BnF, Mss, NAF 16381, f. 198
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « marmitte ».
b) « dorlotter ».
c) « projettée ».