Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1843 > Octobre > 14

14 octobre [1843], samedi matin, 9 h. ½

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon adoré, bonjour. Comment va ta petite oreille mon cher petit ? Comment va ton cher petit cœur ? M’aimes-tu ce matin ? Moi je vous aime, que je dorme ou que je veille, je vous adore. J’ai rêvé de vous toute la nuit mon pauvre amour et je me suis surprise citant Pascal avec autant d’à-propos que vous.
Je vous dirai que la soucoupe a fait pousser des rugissements d’admiration à ma servarde : Dieu de Dieu la belle SEcoupe ! Moi qui ne sais pas aussi bien [envoyer  ?] qu’elle, je l’admire en dedans et je remercie mon cher petit, petit Toto de me l’avoir donnée. Je remercie mon grand Toto d’avoir bien fait la commission. Je lui donne ma PEAU en retour, ma vie, mon cœur et mon âme.
Bonjour, mon pauvre ange. As-tu pris du repos cette nuit, mon adoré ? Il ne faut pas te fatiguer dans ce moment-ci, mon Toto chéri, plus tard il sera toujours assez temps. Si tu voulais, nous pourrions vendre quelque chose. Tu sais si je te dis cela du fond du cœur mon bien-aimé ? C’est toujours une joie pour moi quand je crois que j’allège ton fardeau. Aussi, mon pauvre bien-aimé, après le bonheur de t’aimer, tu ne peux m’en donner un plus grand que de partager avec toi le fardeau de mes besoins. Crois-le bien mon Toto bien-aimé et n’hésite pas. N’oublie pas mon amour qu’il faut que tu me mènes chez ma fille aujourd’hui. Je vais me laver et m’apprêter. Je t’attendrai sous les armes.
Bonjour mon petit Toto. Jour mon cher petit homme. Pense à moi et aime-moi. De mon côté je ne manquerai pas d’en faire autant. Il ne faut pas laisser ma Dédé dans la tristesse, pauvre enfant, si douce et si tendre. Il faut prendre garde de laisser le chagrin prendre trop de forces sur une si charmante créature. Je baise tes petits pieds à toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 203-204
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


14 octobre [1843], samedi soir, 3 h. ¼

Ma pendule retarde, mon adoré, et il est déjà trois heures un quart. Je tremble que tu n’oublies ta promesse ou qu’il te soit venu des affaires ou des visiteurs. J’ai cependant bien besoin de tirer cette histoire de pension à claire car je suis plus tourmentée que je n’ose me l’avouer à moi-même sur cette sortie sans nom que Mme Marre a permise.
Il vient de venir tout à l’heure la bonne de la nouvelle Penaillon fort affairée me dire que sa maîtresse avait des remboursements sur lesquels elle ne comptait pas et que si je pouvais, sans me gêner, lui donner tout ou partie des deux notes je lui rendrais le plus grand service. Mais qu’elle me priait instamment de ne pas me fâcher de la liberté qu’elle prenait. Je lui ai répondu que M. n’y était pas et que je ne pouvais pas lui donner de réponse avant ce soir ou demain matin. Voilà mon cher bijou la seule nouvelle d’aujourd’hui. Je crois que nous pouvons, sans injustice, la remettre à quelques jours ayant nous-mêmes des choses urgentes à payer et son dernier gilet ayant été rapporté avant-hier seulement. Tu décideras cela mon Toto.
Je voudrais bien que tu vinsses mon Toto pour deux raisons dont la première n’est qu’un prétexte pour te voir plus tôt. Il fait un temps charmant quoique froid. Cela me fera du bien de sortir outre le soulagement que j’attends de mon explication avec cette sotte maîtresse. Pourvu qu’elle y soit encore. Pourvu que tu viennes aussi toi. Mon Dieu que c’est donc triste, pour une nature comme la mienne, d’attendre depuis un bout de la vie jusqu’à l’autre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 205-206
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne