Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1842 > Juin > 21

21 juin 1842

21 juin [1842], mardi, midi ¼

Je t’écris une grosse lettre, mon cher amour, parce qu’après avoir pris un bain ce matin, dont j’avais grand besoin, ce qui m’a empêchée de t’écrire, je prévois que ma peignerie tantôt m’entraînera peut-être fort tard et j’aime mieux te donner tout de suite mon gribouillis que d’être deux fois en retard dans la même journée. Mais comment va notre pauvre petit garçon [1] ? Comment a-t-il passé la nuit ? Es-tu moins inquiet ce matin et moins malheureux que cette nuit, mon cher adoré ? C’était à fendre le cœur, mon pauvre bien-aimé, de te voir si triste et si tourmenté, toi si bon, si doux, si noble, si généreux et si dévoué. C’était à douter du bon Dieu en te voyant si affligé. Mais, mon cher Victor adoré, crois-moi, car je suis sûre comme si je tenais la vie de ce pauvre ange dans mes mains, qu’il n’a rien à craindre et que d’ici à très peu de jours il va aller mieux et que nous serons tous bien joyeux. Je ne peux pas dire d’où je sais cela, mais je le sais mieux que si le bon Dieu me l’avait dit lui-même. Quand on aime comme je t’aime, mon adoré, on a le pressentiment du bien et du mal qui ne trompe pas. Aussi, je t’en prie, mon bon bien-aimé, ne te fais pas du chagrin, ne sois pas malheureux, notre cher petit enfant va guérir bientôt. Pour ce qui me concerne, mon Toto, n’en prends pas de souci. Je ferai toujours ce que tu voudras et comme tu voudras. Et tout ce que tu m’as dit hier est parfaitement juste et parfaitement bon et raisonnable. Ainsi ne t’en préoccupe pas et s’il le faut je renoncerai à cette coquetterie pour ne pas te fatiguer ou te déplaire [2]. Je pense que Claire va chez son père tantôt. M. Lanvin m’a fait dire de la tenir prête, ce qui ne veut pas dire qu’il se trouvera chez lui pour la recevoir. Enfin après cette démarche, nous pourrons la faire rentrer à la pension. Il sera plus que temps alors de lui faire reprendre ses études. D’ici là, mon cher petit bien-aimé, tranquillise-toi, pense à moi, aime-moi et tâche de venir me donner des nouvelles de notre cher petit garçon. Je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 163-164
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1François-Victor, fils de Victor Hugo, lutte contre la maladie.

[2Juliette, préoccupée par ses cheveux blancs, cherche à y remédier.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne