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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 mars 1853

Jersey, 27 mars 1853, dimanche matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, ma joie, bonjour de tout mon cœur épanoui, bonjour avec toute la fleur de mes baisers, bonjour, je t’adore.
Je ne sais pas ce que le bon Dieu me garde aujourd’hui, mais je sais que je suis pleine d’espérance et de joie vague. Cela veut peut-être dire que tu viendras de bonne heure et que nous ferons une ravissante petite promenade ensemble. Je me contenterai même à moins, il suffira pour que je sois bien heureuse que tu viennes de bonne heure écrire auprès de moi, car je pense que c’est aujourd’hui jour de poste. Tu vois, mon adoré, que je ne serai pas très exigeante pour un jour de Pâques. C’est que le bonheur d’être auprès de toi n’importe où résume pour moi tous les autres bonheurs. Tâche donc, mon doux bien-aimé, de venir très tôt au risque de faire chômer la photographie [1] (se bien méfier de la prononciation). D’ailleurs il est défendu de travailler le saint jour du dimanche, surtout quand il y a dans un coin une pauvre Juju isolée qui vous attend et qui met toute sa joie en vous. Je finis cette prière par tout ce que j’ai de plus tendre et de plus doux dans le cœur. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 309-310
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain


Jersey, 27 mars 1853, dimanche soir, 9 h.

Cher petit homme, je tâche de prolonger mon bonheur d’aujourd’hui en y pensant, en en parlant et en gribouillant. Je suis comme les enfants qui mangenta la peau de leur pomme après que celle-ci est déjà avalée. Moi, c’est mon bonheur que je remâche et que je rumine pour faire durer mon plaisir plus longtemps. Quelle délicieuse promenade, mon cher petit bien-aimé, quelleb douceur dans l’air, quelle joie dans tous ces charmants petits oiseaux qui s’appellent et qui se répondent comme les âmes qui s’aiment. Il me semblait que c’était le sang de mon cœur qui gonflait toute la sève des arbres, et que toutes ces petites pâquerettes étaient tous les baisers tombés dans le trajet de ma bouche à la tienne pendant que nous marchions et je sentais mon amour qui t’enveloppait comme un rayon de soleil. Depuis que je t’ai quitté je vis dans ce ravissant souvenir que je voudrais conserver jusque dans mes rêves de cette nuit. C’est pour cela, mon cher petit homme, que je te gribouille tant bien que mal toutes ces impressions de bonheur pour les enfoncer encore plus avant dans mon cœur si c’est possible. De ton côté pense à moi et aime-moi. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 311-312
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain

a) « mange ».
b) « quel ».

Notes

[1Référence à l’atelier de photographie de Jersey (cf. lettre du 25 mars 1853, vendredi matin, 8 h – note 1).

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