Guernesey, 10 juillet [18]70, dimanche après-midi, 2 h. ¾
Je ne peux pas prendre mon parti d’être toujours en retard avec ma chère petite restitus et j’ai beau m’essouffler et prendre à peine le temps de déjeuner, je ne viens presque jamais à bout de commencer ma journée par elle, c’est agaçant. Quant à toi, mon cher adoré, tu n’as rien à perdre et rien à gagner que je commence plus tôt ou plus tard ou même pas du tout puisque je t’adore depuis un bout à l’autre de la journée sans m’en laisser distraire une seule minute. Ma bisque n’est donc que pour moi seule, ce qui n’en est que plus embêtant. Heureusement que j’ai eu un charmant rabibochage dans la visite de Petite Jeanne, sans compter ta petite apparition accoutumée. Tout cela vaut encore mieux que mon pauvre rabâchage matinal ou désheuré. Ce qui serait encore plus heureux, ce serait l’arrivée de tes enfants demain [1], ce qui n’est pas impossible si M. Busnach va mieux, comme il faut l’espérer [2]. En attendant, Petite Jeanne fait des progrès de santé et de beauté de minute en minute et des prodiges d’intelligence et de gentillesse de seconde en seconde. C’est un amour adorable dont je raffole autant que de son Papapa. Tant pis si cela vous vexe.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 188
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette