Guernesey 27 avril [18]70, mercredi matin, 6 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé adoré, bonjour. Comment la nuit ? J’ai déjà interrogé ton balcon qui n’a pas pu me répondre encore cette fois-ci. Dès que tu lui auras rendu la parole je saurai en me levant si tu as plus ou moins bien dormi. Je te supplie néanmoins de ne pas te hâter de vivre en l’air au risque de surexciter ta douleur. Ce matin, bien qu’il fasse très beau, il fait un temps très acide qui vous donne envie de mordre dans le vent. Moi qui fais profession de mépriser la chaleur j’ai la lâcheté de me mettre en ce moment sous un rayon de soleil ardent que j’endure avec bonheur sur mon dos, la tête exceptée, bien entendu. Je suis très contente que tu aies fait commencer tes travaux. Tu feras bien même de les presser pour ne pas être pris de trop court quand petit Georges arrivera. Plus le moment approche, plus mon désir de voir tous tes chers aimés dans nos murs, pas de GRANDES LETTRES, augmente et mon impatience aussi. Enfin il n’y a plus qu’un peu de courage à avoir, heureusement, pour que ce bonheur nous soit donné. Jusque là, et après, et toujours, je te sourie, je te bénis et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 118
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette