Guernesey, 4 mai [18]70, mercredi matin, 7 h.
Bonjour, mon ineffablement grand, doux et bon bien-aimé, je te souris et je t’adore. Ta nuit a-t-elle été meilleure que la précédente ? Je l’espère afin que l’excellence de la mienne ne m’humilie pas comme un acte de monstrueux égoïsme. Je pense à ton infinie tendresse à toutes tes bontés pour moi. Il n’y a pas un jour où tu ne me combles de générosités et de bonnes grâces adorables. Je ne t’en remercie pas je t’aime, je t’aime, je t’aime. Demain, puisque tu veux bien nous irons à la recherche d’un beau service anglais que nous étrennerons le 21 mai [1]. Peut-être pourras-tu faire tout de suite pour ta maison le choix du tapis que tu veux acheter. Quelle joie et quel bonheur si ton cher petit goum des Barricades [2] pouvait être ici le jour de l’inauguration de mes grands et petits plats ! Je le désire ardemment sans oser y compter pour n’avoir pas le chagrin de la déception et surtout le tien qui m’est encore plus douloureux. J’attends, j’aime, je désire, je prie et je laisse faire Dieu que j’adore à travers toi.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 124
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette