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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 novembre [1836], lundi après-midi, 1 h. ¼

Bonjour, mon cher petit homme, je vous écris bien tard, mais je pense à vous toujours et sans cesse.
Jourdain vient de venir pour savoir, disait-il, s’il fallait faire l’édredon et envoyer prendre les fauteuils, je lui ai dit d’attendre notre avertissement.
Vous n’êtes pas venu ce matin, comme vous me l’aviez promis, de sorte que je suis restée à ronfler toute seule comme une bête dans mon lit, et que je n’aurai pas mon bois. Ce n’est pas qu’il fait un temps bien hideux ; d’un autre côté, si nous attendons le beau temps nous courons risque de faire notre provision au mois de juin, ce qui ne serait pas si drôle qu’on pourrait le croire d’abord.
Que je vous aime mon petit homme bien chéri. J’ai cependant une pointe de jalousie à votre endroit, mais cela n’est qu’entre cuir et chair, ainsi vous ne vous en apercevreza pas.
Je vous aime mon Toto. Depuis bientôt quatre ans je n’ai pas détaché ma pense un seul instant de vous dans mes rêves. Je m’occupe de vous et toujours je vous aime. Je vous AIME ENTENDEZ-VOUS.

J.

BnF, Mss, NAF 16328, f. 185-186
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) « appercevrez ».


28 novembre [1836], lundi soir, 8 h. ¾

Vous m’avez appris à ne pas faire grand fond sur vos promesses, mon cher petit homme. C’est ce qui fait que je ne compte pas sur vous ce soir avant minuit ou 1 h du m. et c’est bien tant pis, car les plus belles années de ma vie s’écoulent à vous attendre, et hormis le bonheur de vous aimer, dans le fond de mon âme, je ne vois pas trop ce que je fais de la vie, ni vous non plus. Cette manière d’être serait incompréhensible si vous m’aimiez comme je vous aime. Malheureusement, elle est trop naturelle et n’a pas besoin d’éclaircissements : vous ne m’aimez pas, ou plutôta vous ne m’aimez plus, car je me souviens d’un temps où vous mettiez toute votre joie, tout votre bonheur et tous vos intérêts dans mon amour, un temps où vous m’écriviez du milieu de votre salon et entouré de vos amis. Ce temps-là est bien loin et n’a plus de trace que dans mon souvenir. Il y a des moments où je me trouve bien à plaindre et où il me semble que j’aurais dû être mieux partagée du côté de l’amour pour lequel j’ai tout sacrifié. Il y en a d’autres, et ce sont les plus rares, où je me résigne et où je trouve que vous êtes trop loin de souffrir que je vous aime, je suis dans un de ces moments-là, ce qui fait que je baise humblement le petit bout de votre petit doigt du pied.

J.

BnF, Mss, NAF 16328, f. 187-188
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) « plus tôt ».

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