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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 octobre [1836], mardi matin, 11 h. ½

Vous êtes parti, mon cher petit homme, et il est malheureusement très probable que vous ne reviendrez pas d’ici à longtemps, ce qui rendra ma matinée excessivement maussade et mon déjeuner très mauvais. Je n’avais pas besoin de cela pour être triste, il me suffisait d’avoir lu les admirables vers que vous aviez écritsa hier et qui ne me sont pas destinés [1]. Quoique je me rende la justice de n’être pas une femme très poétique, il m’est toujours très pénible de voir que vous avez besoin d’adresser vos sublimes pensées à des femmes plus favorisées que moi. Mais laissons mes plaintes de côté. Cela n’avance à rien. Quand on sent qu’on n’est plus aimée, on n’a qu’à se retirer en silence, c’est ce qui est le plus digne et le plus opportun.
J’ai vu avec plaisir que le Manière n’avait encore distrait [des nombreux reçus] qu’il avait à moi. Au reste mes affaires pourront toujours s’arranger bien ou mal, cela importe peu, car cela n’ôtera pas un chagrin dans ma vie, ni n’ajoutera une douleur dans mon avenir. Ce n’est pas là ou est le mal. Je t’attendrai encore une heure après laquelle je saurai que tu déjeunes en ville.

J.

BnF, Mss, NAF 16328, f. 78-79
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) « écrit ».


26 octobre 1836, mercredi soir, 5 h. ½

Mon cher bien aimé, ce serait te répéter la même chose que je t’ai déjà écrite il y a quelques jours et sur le même sujet. Aussi j’aime mieux employer mes pensées et mon temps d’une manière plus utile et plus agréable.
J’aime mieux parler de notre amour qui ne dépend heureusement d’aucun chef de division ni aucun ministre.
Pauvre cher enfant, comment avez-vous pu rester si longtemps sans manger ? Je ne veux pas que vous vous laissiez mourir de faim sous aucun prétexte et je vous prie d’envoyer paître les ministres et les sous-ministres pendant que vous irez déjeuner. Les affaires ne s’en feront pas mieux et tout ira bien. Maintenant que vous avez interverti à ce point l’ordre et la marche du repas, il ne me reste pas d’espoir de vous revoir pour dîner avant 3 h. du matin.
Soyez sûr que je serai à mon poste et que je vous servirai le pain et le vin avec le fricot à genoux et même les pieds dans le plat si vous l’aimez mieux.
Je t’aime, mon pauvre Toto. Je t’aime bien. J’ai le cœur rempli d’amour, et toute l’amertume qu’on cherche à y faire entrer de force ne trouve pas de place et reste sur mes lèvres, ce qui fait que je t’aime encore plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 80-81
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À élucider.

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