3 octobre 1872

Guernesey, 3 oct[obre] [18]72, jeudi matin, 6 h. ¼

C’est de mon lit où je suis revenue me blottir, non pour y dormir, mon cher bien-aimé, mais pour te gribouiller ma restitus à l’abri de l’humidité du matin en attendant l’heure réglementaire pour mes femmes [1] de se lever. Après avoir constaté l’absence de ton signal [2] que je regarde comme un bon signe jusqu’à preuve du contraire que je repousse de toute la force de mon amour. J’ai déjà fait part à Blanche de l’intention si honorable pour elle dont tu m’as parlé, celle de lui faire faire le classement de tes papiers. Elle en a été bien fière et bien heureuse tout en craignant de n’être pas assez familiarisée avec les écritures pour déchiffrer les signatures qui sont souvent illisibles. Quant à sa discrétion, je crois pouvoir t’en répondre. Pour épuiser tout de suite ce qui concerne cette bonne petite fille, je te prierai, si tu peux, de ne pas trop appuyer^a devant elle sur la chanterelle^b du non-retour à Paris parce que je remarque que cela l’attriste à cause de son père et de sa mère adoptifs qu’elle aime très tendrement et dont elle s’inquiète souvent. Et comme tu es bon et que tu ne veux pas qu’on souffre autour de toi je te demande de ne pas trop insister^c en sa présence sur le parti que tu prends à propos de Paris. Je te dis cela au courant de la plume et parce que nous ne sommes jamais assez entre nous deux pour te le dire de vive voix. Je t’aime, je t’adore, je te bénis.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 274
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « appuier ».
b) « chantrelle ».
c) « insisté ».