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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 décembre [1835], mardi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon cher petit adoré. J’espère que si vous faites des visites aujourd’hui, vous viendrez me chercher parce qu’il fait très beau temps pour aller en voiture et pour attendre. Au moins, je ramasserai le long du chemin toutes les petites miettes de bonheur qui tomberont de votre adorable petite personne.
Avez-vous bien dormi, mon cher petit homme ? N’avez-vous pas eu trop froid ? Avez-vous travaillé trop tard, mon cher petit bourreau ? Moi, j’avoue à ma honte que j’ai bien dormi. Je me le reproche en pensant que vous travaillez pendant ce temps-là comme un pauvre petit ouvrier affamé. Mon cher petit Toto, quand pourrai-je te relayer dans cette tâche si pénible ? J’ai bien de l’impatience en y songeant. Je voudrais tant que ce soit à ton tour de dormir et au mien de veiller. Je donnerais tout ce que j’ai et tout ce que je pourrais avoir pour cela.
Je t’écris au coin de mon feu. Je me suis levée plus tôt parce qu’il faisait moins froid et que je veux être prête à tout événement dans le cas où tu viendrais me chercher.
Mon cher bien-aimé, j’ai été bien bien heureuse cette nuit dans tes bras. J’ai cru voir que tu m’aimais et je me suis sentie ravie jusqu’au fond de l’âme. Oh  ? ! Ne me laisse plus si longtemps sans te voir, sans te toucher et sans te respirer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 276-277
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


29 décembre [1835], mardi soir, 8 h. ¼

Vous avez fièrement bien fait de venir, affreux Toto, sans cela j’aurais été fort en colère contre vous toute la soirée. Avouez que vous êtes bien bête avec vos bouts de fil et votre cire. Allez, mon cher Toto, le meilleur trébuchet [1] pour prendre la fidélité, c’est l’amour. Tous les autres sont des pièges à loup plus ou moins fantastiques.
Ah ! J’ai oublié de vous demander ce que c’était que cet horoscope donné par le roi de trèfle qui vous annonce que la loterie de Lyon vous sera très favorable ? Allons, voici mes jalousies et mes inquiétudes qui recommencent de plus belle. Toto, Toto… Je sens la trahison à pleine bouche. Prenez garde à vous.
J’espère que M. Bernard ne va pas rester toute la soirée chez vous et que je pourrai avoir bientôt l’explication de tous les mystères de votre portefeuille. En attendant, je vous aime, je suis furieuse, je vous adore et je rage.
Si vous venez de bonne heure, je serai disposée à croire que vous n’êtes pas aussi coupable que vous en avez l’air. Si vous venez tard, je n’accepte aucune explication.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 278-279
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Piège en forme de cage, dont on se sert pour prendre des oiseaux.

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