20 décembre [1835], dimanche matin, 10 h. ¼
Bonjour mon adoré, bonjour je t’aime, je suis heureuse, je crois que tu m’aimes. Il ne me manque que votre chère petite personne pour être geaie. C’est peu de chose comme vous voyez. Oh ! non, ne rions pas, ta présence, c’est ma vie, c’est ma lumière, c’est mon soleil, c’est tout ce que j’aime et ce que je désire.
Pauvre cher petit homme, il a fait bien froid et bien mauvais temps cette nuit. Tu en auras souffert, j’en suis sûrea, car tu es l’homme le plus négligent et le plus cruel qu’il y aitb pour toi. Quel malheur que je n’habite pas sous le même toit que vous. Je vous ferais des phame feux la nuit, je vous ferais joliment chauffer vos petites pantoufles, et j’avancerais un bon petit coussin sous vos pieds pour les empêcher de toucher à l’affreux carreau froid de votre chambre. Mais, hélas ! l’air t’emporte et la terre m’enchaîne.
« Sort cruel ! » [1]
…c
Tous mes vœux ne servent qu’à me faire reconnaître que je t’aime et que je ne peux rien faire pour te le prouver. C’est bien triste et bien amer, va.
Bonjour, mon pauvre chéri, je ne veux pas t’affliger de ma tristesse, parlons d’autre chose. De ton vaudeville [2] par exemple : il me semble destiné à un immense succès. Tous les couplets de facture me paraissent devoir être redemandés tous avec frénésie. L’auteur de cet immorteld ouvrage devra être porté sur la scène, couronné, embrassé, léché, adoré et conspué.
Vous voyez, mon cher petit homme, qu’en fait d’ouvrage de goût, je les sens autant et mieux que qui [que] ce soit. Vous savez en outre que je vous aime de toute mon âme.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16325, f. 240-241
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « sur ».
b) « qu’il y est ».
c) Les points courent jusqu’au bout de la ligne.
d) « imortel ».
20 décembre [1835], dimanche soir, 7 h. ¾
Mon cher petit homme, je vous aime, je vous chéris, et je vous adore. Je suis bien fâchée que vous ayez mal à la gorge. Si je pouvais, je vous prêterais la mienne, mais je ne peux pas. Je ne peux que vous plaindre et vous aimer davantage si c’est possible.
Je viens de donner un nouveau congé à ma servante à propos de mon vin qu’elle me volait évidemment et notamment aujourd’hui que je l’avais marqué. Il faut en prendre son parti. Cette fille est par trop voleuse. Il est impossible de la garder et de passer sous silence ses pilleries quotidiennes.
Mon cher petit Toto Carabo [3], si vous voulez être aussi charmant que vous êtes aimé, vous viendrez de bonne heure ce soir et vous serez l’adoré de votre pauvre Juju qui fait toutes ses joies de votre seule présence.
Je vais me dépêcher illis. mon linge et d’apprêter mon lit pour faire vos raccommodages. Avant, je vous baise, je vous embrasse, je vous mange en idées, et je vous attends comme toujours avec amour.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16325, f. 242-243.
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette