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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 avril 1842

5 avril [1842], mardi matin, 11 h.

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon Toto aimé, bonjour mes chers petits Toto, comment allez-vous ce matin, mes pauvres petits ? Bien, je l’espère, et mon petit petit Toto [1] aura pu aller sans danger et sans souffrir à la fameuse composition qui lui tenait tant au cœur. Pauvre petit, je l’ai bien désiré toute la nuit et j’ai bien prié le bon Dieu pour vous deux, mes pauvres petits hommes. Je serai bien heureuse si tu viens me dire que tu vas bien et le petit garçon aussi. C’est aujourd’hui que tu vas à l’Académie, n’est-ce pas mon Toto ? Je ne compte pas sur toi pour la promenade quoique le temps soit parfait. Et puis comme tu ne peux pas marcher, les voitures sont trop chères et Juju assez raisonnable pour se résigner et pour attendre que tu te portes bien et que tu aies du temps à me donner. Pour cette dernière chose, j’attendrai longtemps probablement. N’importe, j’attendrai et je vous aimerai autant que si vous me rendiez bien heureuse et que si vous me faisiez sortir tous les jours depuis le matin jusqu’au soir. Voilà mon genre à moi. Je viens d’envoyer Suzanne au marché demander à la mère Lanvin si elle peut nous [illis.] une ouvrière dont j’ai absolument besoin pour faire rentrer Claire en pension [2]. Je ne sais pas encore la réponse. Ce que je sais très bien, c’est que vous êtes mon Toto chéri et adoré que je voudrais voir et caresser toujours et puis encore. Baisez-moi mon Toto, pensez à moi et aimez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 241-242
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette


5 avril [1842], mardi soir, 6 h. ½

Vous n’êtes pas gentil, mon petit homme, de vous en aller si vite. Je ne sais pas depuis quelque temps l’attrait qu’à votre chez-vous, mais ce qu’il y a de sûr, c’est que mon pauvre chez-moi ne vous attire ni vous retient guère. Peut-être qu’en cherchant bien je trouverais la cause qui vous rend si sédentaire, mais je veux attendre de votre loyauté et de votre franchise que vous me le disiez vous-même. Je suis jalouse, mon pauvre Toto, je dissimule le mieux que je peux mes affreux soupçons dans l’apparence d’une gaité mitoyenne qui n’est rien moins que vraiea. Je m’attends au premier moment à découvrir une atroce vérité que votre générosité naturelle me cache. Ce que je te dis là, mon cher adoré, est malheureusement ce qui se passe en moi depuis le commencement de cette année. Jamais tu n’as été moins préoccupé et occupé de ton travail habituel et jamais tu n’as été plus affairé pour des choses qui ne me regardentb pas, apparemment, puisque tu me les cachesc. De là une indifférence qui serait injurieuse si elle n’était pas atroce. Enfin, mon Toto, toi et Dieu savez si j’ai raison, mais en attendant je souffre le plus que je peux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 243-244
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « vrai ».
b) « regarde ».
c) « cache ».

Notes

[1François-Victor Hugo. D’une santé très fragile quand il était enfant, il tombera très souvent malade. Depuis le début du mois de février il souffre d’une grave maladie pulmonaire qui connait beaucoup d’améliorations et de rechutes dont la convalescence n’interviendra qu’à l’automne.

[2Claire Pradier est pensionnaire dans un établissement de Saint-Mandé depuis 1836, or depuis le mois de janvier, elle vit chez sa mère. Elle retournera au pensionnat le mois prochain.

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