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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 mars 1842

3 mars [1842], jeudi, midi ¼

C’est à mon tour à te dorlotera et à te mettre dans du coton, mon cher adoré. Tu vas voir comme je vais bien m’en acquitter, mon pauvre amour. Mais je ne veux pas pour ça que tu sois malade, je veux seulement que tu aies besoin de bon petit sirop, de bonnes petites pastilles de gomme, de bonne soupe au lait, de bons petits œufs frais, d’échaudés et des bons épinards au sucre [1]. Voilà tout et puis LE RESTE, c’est-à-dire des bons petits mots bien doux, des baisers bien tendres, etc., etc. Enfin tout ce qui constitue un régime pour un bon petit homme chéri qu’on aime et qu’on adore. Quant à moi, Dieu sait quand j’aurai mon bouillon. La bonne [2] n’est pas encore revenue de chercher son pot au feu et la marmiteb n’est pas sur le feu. Mais ça m’est égal, je mangerai des échaudés comme plusieurs lions et je me tirerai d’affaire très bien. Je me sens très en appétit depuis mon fameux œuf et mon énorme échaudé, ia ia monsire matame CHE MANCHERAI LE TIAPLE [3] ! De ton côté, mon pauvre amour, prends garde d’avoir froid et ne te fatigue pas trop. Ne vac pas à cette Académie aujourd’hui, c’est toujours de la fatigue parce qu’on y parle toujours trop. Vous êtes là un tas de vieux bavards qui ne pouvez pas vous taire [4].
Je viens d’écrire au sieur Gugu [5] ! Quel affreux nom et je lui ai mis 5 F dans la lettre, ce qui lui sera très agréable si j’en juge d’après le regret que j’ai de les lui donner. Enfin il faut espérer que cette stupide maladie touche à sa fin et que nous pourrons à notre tour laisser reposer notre pauvre bourse qui a un fameux dévoiement elle aussi depuis trois semaines ! Je le désire plus que de toutes mes forces pour plus d’une raison dont la première est que nous serons à NOUS et que nous pourrons nous aimer à notre aise sans assaisonnement de sangsues, de cataplasmes et d’eau de poulet. En attendant je t’aime passionnément et j’attends ce soir avec impatience pour te dandiner à mon goût. Prends bien garde d’avoir froid.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 147-148
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « dorlotter ».
b) « marmitte ».
c) « vas ». 

Notes

[1Après Juliette qui a été malade au mois de février, c’est au tour de Victor Hugo d’être souffrant.

[2Suzanne

[3Imitation de l’accent allemand : « Oui, oui, Monsieur, Madame, je mangerais le diable ! »

[4Victor Hugo a été élu membre de l’Académie française le 7 janvier 1841, mais Juliette se moque souvent de cette institution qu’elle juge inutile en qualifiant ses représentants de « vieux baveurs ».

[5À élucider.

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