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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 octobre [1835], jeudi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon cher petit Toto. Qu’est-ce qui vous retient encore, que vous ne venez pas comme vous me l’aviez promis hier au soir ? Est-ce qu’à l’exemple du soleil, des étoiles, des comètes et de la terre [1], vous vous refroidissez pour votre Juju ? Est-ce que votre amour est déjà couvert d’une scorie assez épaisse pour qu’il ne passe plus à travers le moindre petit trou un peu de cette réverbération de votre grande flamme d’autrefois ? Si cela était, ma fin serait bien prochaine car à l’exemple de notre monde, je ne vis, ne m’échauffe et ne m’éclaire qu’à votre soleil.
Aussi, et pour finir la comparaison, depuis que vous vous éclipsez, je suis dans un très grand noir et j’ai très froid.
Mon cher petit homme, j’ai passéa une assez mauvaise nuit car dans tous les rêves que j’ai faits, vous étiez très méchant pour moi. Aussi je suis ce matin triste et mal à mon aise et ornée d’un des plus rares maux de têteb qui se puisse trouver sous n’importe quelle calottec, fût-ced même celle du ciel.
Je suis encore dans mon lit, attendant qu’il te plaise de venir me voir sous un prétexte ou sous un autre car depuis huit jours, c’est à peine si je t’ai vu en tout trois quarts d’heure. Aussi je suis geaie comme un corbeau mais je t’aime.

J.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 31-32.
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « j’ai passée ».
b) « mal de tête ».
c) « calote ».
d) « fusse ».
e) « trois quart d’heure ».


22 octobre [1835], jeudi soir, 9 h.

Je t’écris, mon cher bien-aimé, ayant encore Mme Lanvin à côté de moi. Je t’écris parce que l’amour me déborde, que je ne sais où le mettre. Je vais tâcher d’en mettre le plus que je pourrai sur ce papier. Ce sera toujours ça de plus dans mon cœur car plus j’en ôte et plus il en revient.
Mon cher petit homme, tu as été ravissant tout aujourd’hui. Tu as été bon, tu as été tout ce que tu es tous les jours, l’homme le plus aimé et le plus adoré.
Voici déjà que la soirée s’avance et il me paraît très probable que tu ne viendras pas encore ce soir trouvera ta Juju au gîte. Je n’en murmure pas mais j’aimerais mieux que tu vinsses tréteauxb et que tu t’en ailles très tard.
Je ne me suis pas encore débarbouillée aujourd’hui mais aussitôt que Mme Lanvin sera partiec, je me mettrai à ma toilette et je serai sous les armes prête à vous recevoir avec honneur et estime si vous venez. Voici qu’on vient chercher Mme Lanvin. Ce n’est pas cela qui me fait cesser de t’écrire mais l’espace. Heureusement qu’il reste encore assez de papier pour vous dire tout ce que j’ai dans le cœur.
Je t’aime.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 33-34
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « trouvé ».
b) « trétaux ».
c) « parti ».

Notes

[1Hugo s’intéresse à la comète de Halley, attraction de l’automne 1835.

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