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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 juillet [1839], 8 h ¼ du soir, lundi

Je ne suis pas encore dans mon bain et Dieu sait cependant, mon petit homme, que je ne me suis pas amusée. Le blanchisseur, la dépense, l’arrangement de la maison, tout cela m’a pris mon temps en me laissant ma MALADRESSE car j’ai encore cassé la jolie petite tasse que tu m’as donnée et j’en suis vraiment chagrine. J’y tenais comme à tout ce qui me vient de toi. Oh ! Dieu que je suis donc stupide et maladroite ! Si on pouvait se battre soi-même je me serais donné une fameuse danse. Je t’aime mon Toto. Je t’aime mon pauvre petit TRAVAILLEUR, mais tu serais bien bon de me laisser vendre cette boucle pour nous donner un peu de bonheur et de loisir car je suis comme la SERVANTE DU CURÉ. Quand tu travailles, NOUS travaillons. Quand tu ne dors pas, NOUS veillons. Aussi tu peux n’être que fatigué de ce régime exterminant mais NOUS sommes sur les dents et NOUS demandons à nous reposer un peu. Ça n’est pas plus malin que ça, ma générosité accepte-la donc pour ce qu’elle vaut et soyons heureux HUIT jours à la manière de Don César et surtout ne nous laissons pas reprendre le bonheur dans nos poches par aucun Don Salluste [1]. Jour mon Toto. Je pense que le non-envoi des quittances de loyer est d’un mauvais augure, et je m’attends à une visite intéressée du ou de la propriétaire pour nous faire avaler de prime abord l’augmentation convenue, mais je serai intraitable et irritable car je trouverai le procédé par trop propriétaire et cancre. Je suis déjà furieuse de la simple supposition. Je vous aime mon cher petit homme, je vous aime de toute mon âme. Je fais déjà, de la pensée, tous mes petits préparatifs de voyage. Oh ! comme nous allons être heureux ! quel bonheur ! Il n’y a pas moyen de s’en dédire d’abord, à moins que tu ne veuilles me faire le plus grand chagrin que j’aie éprouvé de ma vie. D’ailleurs je ne pourrai pas le supporter. Ainsi c’est inutile de songer à me retrancher le seul mois de l’année où je vis. N’est-ce pas mon Toto bien-aimé ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 113-114
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

Notes

[1Dans Ruy Blas (1838), don César, impécunieux, vit au jour le jour. Don Salluste, pour le confondre, lui fait les poches.

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