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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 décembre [1840], mardi matin, 8 h. ½

Vous voyez bien, mon cher bien-aimé, que vous n’avez le sens commun. Vous laissez passera les jours et les nuits sans vous soucier de les bien employerb comme si vous et moi étions immortels (ce qui ne veut pas dire académicienc [1]). J’ai encore eu très froid cette nuit et j’ai encore très mal dormi. J’attendais le jour avec impatience car que faire en un lit à moins que l’on ne dorme surtout quand on est SEULE ?
Je vais me dépêcher de remettre ma baraque en ordre afin de vous ôter tout prétexte à n’y pas venir. Je vais aussi écrire à mon père [2], à Dabat et à Jourdain qui oublie de m’en envoyer le lit de sangle puisque je suis décidée à en acheter un, je ne trouve pas juste de dépenser de l’argent pour en louer un autre en attendant. Pourquoi n’êtes-vous pas venu ce matin, mon amour ? Est-ce que vous croyez que demain nous serons plus jeunes et plus amoureux l’un que l’autre ? Plus amoureuse c’est possible car je résous ce problème depuis que je vous connais quoique je vous aie aimé de toute mon âme dès le premier jour. Tâchez que demain je n’aie pas à constater votre absence.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 283-284
Transcription de Chantal Brière

a) « passé ».
b) « emploier ».
c) « accadémicien ».


29 décembre [1840], mardi matin, 10 h. ½

Bonjour mon bien-aimé, bonjour je t’aime et toi ? Je me dépêche de t’annoncer une bonne nouvelle depuis hier au soir je suis très saine. J’espère que cela continuera et je m’en réjouis d’avance à cause de la promesse que tu m’as faitea et que tu seras forcé de tenir si tu tiens à ton honneur. Aussi ce matin je suis très GEAIE, cela ne m’empêche pas de trouver que j’ai été bien endormie cette nuit et de me faire des gros reproches sur ma maussaderie. Je crois que j’avais pris cette envie de dormir de Mme Guérard qui n’a fait que ronfler tout le temps qu’elle est restée chez moi. Cette pauvre femme s’imagine qu’elle vient me distraire. On n’est pas plus naïve que cette Guérarde-là. Du reste c’est une si bonne femme que je lui pardonne de tout mon cœur l’ennui prodigieux qu’elle m’apporte chaque fois qu’elle vient chez moi. D’ailleurs moi-même je ne suis pas très drôle et je n’ai pas le droit d’être bien exigeante envers les autres. Il n’y a qu’envers vous que j’ai ce droit-là et j’en use à indiscrétion, sûre que je suis de ne jamais voir le bout de votre gaieté, de votre patience et de votre bonté. Jour Toto, jour mon cher petit o. Vous allez être obligé de vous MONTRER. Voime, voime, fichtre il n’y a pas à plaisanter cette fois, il faudra que ce soit pour tout de BON. J’ai envie d’envoyer des billets de faire-part à tous vos confrères, les plus collègues et les plus académiciens [3]. Eh ! bien je ne ris plus puisque cela vous fâche. C’est bien le moins pourtant que je rie puisque je suis contente et que j’espère être heureuse bientôt. Baisez-moi cher scélérat et pardonnez-moi mes loustiqueries en faveur du motif qui me les inspire. Je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 285-286
Transcription de Chantal Brière

a) « faites ».

Notes

[1Hugo est alors candidat à l’Académie Française et sera élu le 7 janvier 1841.

[2René-Henry Drouet qui est en réalité son oncle.

[3Hugo est alors candidat à l’Académie Française et sera élu le 7 janvier 1841.

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