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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 juin 1874

Paris, 13 juin [18]74, samedi soir, 4 h.

Cher bien-aimé, Mariette assure que tu es sorti depuis déjà longtemps, ce que je n’ai pas de peine à croire à la tristesse ambiante qui m’enveloppe depuis deux heures. Il est vrai que la préoccupationa de tout ce qui se passe depuis trois jours n’est pas faite pour inspirer une folle gaîté à personne, les bonapartistes exceptés, qui espèrent repêcher un empire dans l’eau sale d’un coup d’État [1]. Je n’en serais pas autrement affectée si je ne craignais pour toi le chagrin d’une séparation momentanée de tes chers petits-enfants. Cette possibilité me trouble plus que je ne puis le dire et je voudrais être bien sûre qu’il n’y a rien de fondé dans ma crainte pour assister froidement à cette politique d’injures et de voies de faits qui se passe, en ce moment, du consentement de tous les partis, pour le plaisir et pour le bonheur de tous les porte-couronnesb de l’univers. Mais voici ta ravissante et irrésistible Petite Jeanne qui me met en demeure de jouer aux poupées avec elle, ce que je fais avec empressement, en la remerciant de m’apporter cette innocente diversion à mes vieux tourments. Qu’elle soit bénie et toi aussi autant que je vous adore.

BnF, Mss, NAF 16395, f. 108
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette

a) « préocupation ».
b) « portes-couronnes ».

Notes

[1Des rumeurs de coup d’État impérialiste circulent depuis plusieurs jours. Les journaux insistent sur l’ « impuissance » de la Chambre et « la dégradation de l’esprit parlementaire français. » (Le Confédéré, [journal suisse qui paraît le jeudi et le dimanche et qui reprend des articles de journaux européens], 14 juin 1874, p. 1). Lors de la séance du 9 juin à l’Assemblée, un article de La République de Nevers concernant l’appel du baron de Bourgoing, député bonapartiste dans la circonscription de Nevers, aux anciens militaires pour qu’ils donnent leurs voix aux candidats impérialistes (affaire du comité central de l’appel au peuple) est lu par le député Girerd (ibid., p. 3). Isaïe Levaillant, directeur de la Sûreté Générale, sera accusé par les bonapartistes d’avoir fait titrer « La Conspiration bonapartiste » dans La République de Nevers suivi de l’appel du baron et d’avoir ainsi invalidé l’élection de Bourgoing. Ce dernier obtiendra finalement la condamnation du préfet pour production d’un document apocryphe attentant à son honneur.

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