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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 juin 1840

24 juin [1840], mercredi après-midi, 3 h.

Où êtes-vous, mon adoré ? Êtes-vous à Paris ? Êtes-vous à Saint-Prix [1] ? Question auxquelles vous vous garderez bien de répondre, vieux sournois que vous êtes. Pendant ce temps, moi je ne sais où envoyer ma pensée, mes baisers et mon âme. Je les garde en moi ne sachant qu’en faire en les déposant tour à tour sur votre portrait, sur vos fleurs, sur tout ce que vous avez touché et respiré. Je ne vous parle pas de la fricassée permanente que votre défiance me force à avoir jour et nuit ce qui augmente la dépense de beaucoup. Puisque vous vous croyez obligé à ce petit truca je ne me plains pas, je ne vous plains pas non plus et je reste dans mon tourbillon de griffes. Je viens d’écrire à tous mes marchands, il me tarde de dépenser l’argent que j’ai là depuis ce matin. Voime, voime, fort spirituelle Juju, mais j’aime mieux faire faire votre portrait et le mien au daguerréotypeb. – Et moi aussi, et moi aussi. Nous sommes très d’accord. Baisez-moi mon Toto. Baisez-moi je vous adore. N’allez pas à Saint-Prix, mon amour, quelle nécessité d’aller tous les deux jours à la campagne quand tout le monde se porte bien ? Vous n’êtes occupé et vous ne travaillez donc que pour moi ? Chaque fois que je vous demande la plus petite sortie c’est la mer à boire et pour tout le monde et pour toute chose vous êtes parfaitement libre. C’est triste pour moi. Enfin voilà que vous oubliez encore les livres de Mme Krafft. Depuis un an vous ne pouvez pas trouverc une minute pour aller signer votre nom sur le livre des messageries et pour retirer cette robe qu’il faudra cependant bien payer [2]. Tout cela n’est ni de la complaisance pour moi ni de l’esprit de conduite pour nos affaires ni de l’amour pour votre pauvre tourbillon de griffes qui s’en plaint amèrement. Je t’aime Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 231-232
Transcription de Chantal Brière

a) « truque ».
b) « daguerrotype ».
c) « trouvé ».

Notes

[1La famille Hugo s’est installée au château de la Terrasse à Saint-Prix pour l’été.

[2Par l’intermédiaire de Mme Krafft, Juliette aurait commandé une robe que la douane retient tout en réclamant des frais, ce qui est source de dissensions entre les deux amies.

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