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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 juin 1840

19 juin [1840], vendredi après-midi, 4 h. ¾

Je ne suis pas encore partie, mon Toto, aussi je ne vous écris pas encore votre petit mot, ce sera pour tout à l’heure quand je serai bien frisée. Je vous préviens que ma pendule avance de cinq quarts d’heure et que par conséquent il n’est pas tard du tout. Je serai prête dans une heure environ. J’irai probablement aux Tuileries ou aux Champs-Élysées et puis, le soir, à l’Opéra [1]. Je verraia ce qui me sourira le plus ce soir. Dans tous les cas je t’écrirai un mot pour te faire savoir où je suis. Ainsi c’est dit, baise-moi et tâche de venir manger mon poisson si tu ne veux pas que [je ?] te laisse sans citron jusqu’à la consommation des siècles et vous savez que ça tient comme rache [2] ? Je me figure que vous êtes à Saint-Prix [3] et je rage entre cuir et chair de la pensée que c’est toujours mon tour de garder la maison et d’être sacrifiée à tous et à tout. Je n’ai vraiment pas beaucoup de chance, depuis qu’on est à la campagne je sors encore moins qu’auparavant quoi que cela paraisse impossible au premier abord. Cependant rien ne t’empêcherait de me mener avec toi pendant que tu travailles. Je ne te parlerais pas mais je te verrais, ce serait assez pour le bonheur, mais je marcherais ce qui m’empêcherait de souffrir de la tête et des reins comme je le fais. Taisez-vous je vous dis que vous n’avez pas raison et que ce que j’ai de mieux à faire c’est de sortir toute seule en ayant soin de vous écrire un petit mot. Quand tu voudras j’écrirai au Dabat et je lui ferai toutes les scènes que tu voudras. Mais je te conseille, si tu connais des gens mieux chaussés que toi, de te faire faire tes bottes et tes brodequins par leur faiseur. Nous n’avons plus les mêmes motifs pour nous servir du susdit bottier ainsi je ne vois pas pourquoi tu te vouerais aux bottes et aux brodequins mal faits. Moi j’aime mieux changer les ouvriers que de leur faire des observations parce que j’ai reconnu que cela n’avançait à rien. Maintenant tu es averti fais ce que tu voudras. Je t’aime mon Toto. Je t’adore mon petit homme, reviens vite si tu peux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 219-220
Transcription de Chantal Brière

a) « verai ».

Notes

[1Programme que Juliette, privée de sortie, décline sur un ton ironique.

[2Rache : gale ou teigne.

[3La famille Hugo s’est installée au château de la Terrasse à Saint-Prix pour l’été.

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