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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er février 1849

1er février [1840], samedi, midi ½

Je ne sais pas comme finira ce mois que je viens de commencer d’une manière si triste et si affreuse. Comment vous me trompez platement et bêtement comme un autre homme ? Comment vous avez la bassesse de me mentir à propos de Vaudeville et de salopesa avec lesquelles vous étiez ce soir où vous avez si bien rencontré Pradier sur le boulevard. Vous ne direz pas j’espère qu’il ne vous connaît pas ? Vous [ne] nierez donc pas que vous ne soyez resté au spectacle tout le temps dans une loge à côté de la sienne ? En vérité, en vérité vous êtes bien LÂCHE et bien IGNOBLE. Oh je me vengerai assez et la vengeance sera digne de la trahison. Oh vraiment quand je pense que c’est pour avoir la liberté de faire le beau avec des toupies dont le dernier commis de nouveautés des boulevards a fait ses choux gras depuis dix ans. En vérité il faut que vous soyez bien misérable quand je pense que c’est pour avoir la sécurité d’admirer les Balthazard [1], les Fargueil du Vaudeville, pour traîner des mannequins de la société, comme vous appelez ces pantins-là, que vous me brisez le cœur lâchement, j’ai une soif et un désir de vengeance que je satisferai assez vous pouvez y compter. Oh mon Dieu que c’est lâche.

BnF, Mss, NAF 16341, f. 116-117
Transcription de Chantal Brière

a) « saloppes ».


1er février [1840], samedi soir, 8h ½

Oh que j’ai souffert, mon pauvre petit homme, je suis encore dans un état de stupeur comme si j’étais tombée d’un sixième étage sans me tuer ni me blesser. Tout à l’heure je serai heureuse car j’ai confiance en toi car je te crois, car ta chère petite bouche rose ne peut pas mentir. Donne-moi tes chers petits pieds, mon adoré, que je les baise, tu es un cher petit saint que j’aime et que j’adore.
J’ai Résisieux chez moi qui fait les cent coups, moi j’ai mal à la tête et je t’aime de toute mon âme. J’ai fait le compte de Jourdain, c’est 30 F. qu’on lui a portésa la veille de notre départ, c’est donc sur 178 F. et une fraction 148 F. à lui donner, je lui donnerai 145 F. et j’espère qu’il sera trop heureux. Je vais tâcher ce soir de mettre à jour ma fin de mois et l’année 1839 toutb entière à moins cependant que ma tête ne s’y oppose absolument. Je voudrais bien avoir à COPIRE. J’ai montré mes Christophes [2] à Résisieux qui les trouve ravissants surtout le SAPELET et les POUAIRES [3]. Tout à l’heure je lui montrerai ma belle boîte afin que son admiration ne connaisse plus de borne. Soir Toto, soir mon cher petit To. Tu devrais bien venir me retrouver cette nuit pour me récompenser de tout le mal que je me suis fait ce matin. Comment va ta tête, mon adoré, la mienne ne vaut pas le diable mais mon cœur est bon.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 118-119
Transcription de Chantal Brière

a) « porté ».
b) « toute ».

Notes

[1La très jolie Mlle Balthazard s’apprête à jouer dans Les Intimes, de Xavier, Duvert et Lauzanne, au Théâtre du Vaudeville.

[2Déformation de Christofle, nom de la maison d’orfèvrerie fondée en 1830 ?

[3Vraisemblablement déformation de « chapelet » et « poires », imitant la prononciation enfantine.

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