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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 mai 1840

27 mai [1840], mercredi, midi ½

Je viens de faire ta tisanea, mon amoureux, et puis je t’écris auparavant toute autre besogne parce que j’ai besoin de te dire que je t’aime et que tu es mon pauvre bien-aimé adoré. Tu m’as fait une bien délicieuse surprise hier, mais malheureusement en voilà pour longtemps. Je donnerais un an de ma vie pour qu’aujourd’hui fût pareil à hier. Mais il n’y a personne au monde et autre part qui veuille faire ce marché avec moi. Comme nous étions heureux hier mon amour, pour moi le bonheur me débordait. J’aurais voulu en donner à toute la nature. Je t’aime mon Toto chéri. J’entends les cloches sonner, on se croirait en Flandre ou en Italie, avec cela que l’air est doux et que je t’aime de tous les amours à la fois. Ceci soit dit à propos des cloches et n’est pas aussi bête que tu le crois : les cloches c’est le prélude de toutes les fêtes, de tous [les] chants sacrés, c’est l’entrée du bon Dieu sur l’autel. Pour moi c’est tout ça mêlé à toi ou plutôt c’est toi que j’admire, que je vénère, que je respecte et que j’adore à l’égal du bon Dieu. Je te dis tout cela cassé, brisé, informe parce que la porte de mon esprit est trop étroite pour laisser passer entière la pensée sublime, grande, religieuse et adorable que ton amour a crééeb dans mon cœur. Mais en en rassemblant tous les morceaux avec soin tu y retrouveras toute l’âme de ta pauvre Juju, je t’aime mon grand Victor. Je vous défends à l’avenir de faire caca dans votre chemise et de vous moucher dans mon bonnet. Je n’ai pas besoin moi de payer des blanchissages à tire-larigotc pour vos beaux yeux et votre beau nez, qui ne peut, même avec calembourd, me servir de BEAU NEZ DE NUIT. Baisez-moi cent millions de fois pour la peine et aimez-moi de tout votre cœur pour vous apprendre à être le plus merdeux et le plus ravissant des hommes.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 171-172
Transcription de Chantal Brière

a) « tisanne ».
b) « créer ».
c) « tire larigo ».
d) « calembourg ».

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