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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 mai 1840

20 mai [1840], mercredi après-midi, 4 h. ½

Je vous aime Toto quoique vous me taquiniez toujours. Il est vrai que les toits de l’Hôtel de Ville sont hideux, que l’architecte est un cuistre, le conseil municipal absurde, qu’on mettra du tuyau de poêlea dans les cours intérieures et qu’on répétera l’ornementation avec une désespérante uniformité, mais je suis de ton avis, l’Hôtel des anciens ducs de La Force [1] est charmant et les [gouapeurs  ?] de toutes les qualités et de tous les [rangs ?] ne sont nullement déplacés dans ce monument aristocratique et poétique.
Baisez-moi vous et reconnaissez que vous êtes battu et rossé à plate couture dans ce combat inégal de la BLAGUE. Je vous pardonne tous vos trines si vous amenez pavillon ou votre grand focb, ou phoque, sur le mât. Je laisse le choix de l’expression au goût de votre belle humeur, vous êtes trop humilié pour que j’en abuse plus longtemps.
Je ne donnerai pas l’argent des impositions parce que c’est aujourd’hui jour de charbon et jour de frotteur. D’ailleurs la mère Lanvin viendra probablement dîner avec moi demain, il sera temps de lui donner l’argent. Quel affreux temps, j’ai un froid de chien et je crains que ma pauvre péronnelle [2] ne reçoive tous ces affreux nuages noirs sur la BOSSE. Quant à vous, mon amoureux, vous avez un abri tout trouvé : mes bras et le reste, et si vous ne vous en servez pas c’est que vous ne voulez pas et vous ne méritez aucune pitié. Je voudrais être à ce soir pour vous faire enrager, à cette nuit pour vous dodinerc, à demain matin pour ……. AUTRE CHOSE, à demain soir pour baiser et rebaiser un beau bouquet d’amour que je sens déjà d’ici. Vous êtes mon Toto.
Vous avez joliment bien fait d’emporter votre TAS tout à l’heure car je n’aurais plus voulu rien gribouiller, je n’ai pas besoin moi de déposer le long de votre MUR des tas d’amour plus gros que moi pour que vous n’y fassiez pas même attention. Sur ce je vous dis et je vous répète que les toits de l’Hôtel de Ville sont ratés, qu’on a oublié tout bonnement de compléterd l’architecture par les cheminées et que les tuyaux de poêlee dans les cours intérieures seront du plus ridicule effet. Et que je vous adore par dessus les toits tronqués, pointus et autres.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 153-154
Transcription de Chantal Brière

a) « tuyaux de poêles ».
b) « foque ».
c) « daudiner ».
d) « completter ».
e) « poêles ».

Notes

[1L’Hôtel de La Force est devenu une prison.

[2Sobriquet pour sa fille Claire.

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