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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 novembre [1837], jeudi matin, 10 h. ½

Bonjour mon bon petit homme chéri. Il paraît que la nuit a été encore bonne aujourd’hui, et peut-être n’avais-tu pas de feu, pauvre, pauvre bien-aimé. Et tu veux que je ne sois pas triste en pensant que toutes ces fatigues, tout ce mal, c’est pour moi ? Et puis je ne te vois pas parce que tes affaires combinées avec ton travail de toutes les nuits te prennenta tout ton temps. Alors il n’y a plus ni bonheur, ni tranquillité, et il m’est bien permis d’être triste et de désirer un changement d’état qui te donneb le repos et à moi le bonheur. Je ne voulais pas me plaindre et voilà qu’en pensant à la nuit froide, à la chambre carrelée sans feu et sans tapis, je suis si malheureuse qu’il faut que je me plaigne de toutes mes forces. Bouchez vos oreilles mon cher bien-aimé, si cela vous ennuie, mais moi je ne pourrai jamais fermer mon cœur à toutes les impressions tristes qui y entrent chaque fois que vous êtes loin de moi. J’espère que tu auras eu le courage de finir aujourd’hui cette pénible affaire MORIN. Je voudrais déjà en savoir le résultat. Tu paraissais si malheureux hier que je serais bien contente de savoir cette affaire finie à tout jamais. Je t’aime mon Toto. C’est bien vrai, vraic.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 31-32
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « prend ».
b) « donnes ».
c) « vraie, vraie ».


9 novembre [1837a], jeudi soir, 7 h. ¼

Je te remercie mon cher bien-aimé de tes bonnes paroles loyales. J’en avais bien besoin car jamais je n’ai été plus inquiète et plus malheureuse. J’ai tant besoin de ton amour pour vivre, je sens si bien qu’après toi il n’y a plus rien pour moi dans cette vie que je le défends de toutes mes forces contre toutes les basses turpitudes qui tentent de me l’enlever, absolument comme je défendrais ma vie contre des assassins. Va, quand on a placé tout son bonheur, toutes ses joies dans un seul amour, on est bien poltronne et les dangers grossissent et se multiplient de toute la grandeur de l’amour même. Quantb à moi j’ai peur de tout. L’ombre même de mon amour m’effraie. Je ne me crois en sûreté que seule avec toi. Je sens si bien que je t’aime plus qu’aucune femme au monde qu’il me semble impossible alors que tu ne me préfères pas à toutes. Mais cette confiance, je ne l’ai que quand tu es là. Et ce veut dire dans mes bras, sur ma bouche, mon cœur contre ton cœur. Alors je suis triomphante, j’ai de la confiance, je me crois aimée, et toutes les plus noires et les plus maigres créatures de Paris ne parviendraient pas à m’inspirer l’ombre d’une jalousie. Mais ces moments-là sont rares, c’est ce qui fait que je suis si souvent en proie aux tourments de la plus atroce jalousie et que je t’aime d’autant plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 33-34
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
[Guimbaud]

a) Cette lettre a été datée de 1835 dans l’édition Guimbaud.
b) « quand ».

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