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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 septembre [1836], vendredi soir, 7 h.

Pardon mon cher petit bijou si j’ai empoisonné notre bonheur ce matin. J’avoue que j’ai été bien méchante. J’espère que ce sera la dernière fois.
Le médecin n’est pas venu, j’en suis fâchée pour l’enfant qui souffre et qu’il faudrait soigner [1]. J’ai de mon côté un mal de tête sterling, je ne sais à quel saint M’AVOUER.
Je ne pense pas que tu aies aucune loge pour Kean, je n’ai jamais vu M. A. D. [2] empressé à te rendre les bons procédés et les bonnes grâces que tu emploiesa envers lui. Il est vrai qu’ici c’est peut-être un juste sentiment de modestie pour ne pas dire plus qui l’empêche de t’envoyer une loge.
Je ne vous attendrai pas ce soir trop tard pour dîner à cause du déjeuner frugal que j’ai fait ce matin et puis aussi à cause de l’enfant. Mais si tu viens tu trouveras de quoi manger, ainsi ne te gêne pas.
Pauvre petit Toto, c’est vrai que j’ai été bien méchante. Je ne sais pas ce qui me porte aux impatiences dont nous sommes si souvent victimes. Tu es cependant bien bon et bien noble, et je t’aime pourtant par-dessus tout. Il faut que j’aie une bien mauvaise nature, puisqu’elle nous fait si souvent du mal. Je tâcherai de me corriger je te le promets.
Je t’aime mon Toto à bientôt. Bon courage mon chéri, ne désespère pas de moi et aime-moi car je me corrigerai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16327, f. 286-287
Transcription de Nicole Savy

a) « emplois ».


2 septembre [1836], vendredi soir, 8 h. ¼

Mon cher petit bien-aimé je n’ai pas encore dînéa. Si tu pouvais venir bientôt nous dînerions ensemble, cela me rabibocherait de mon déjeuner de ce matin. J’ai une migraine si excessive que le bouillon que je venais de prendre je l’ai rendu, il me semble du reste que je vais mieux depuis ce déboire.
Je suis ravie mon pauvre petit ange que notre Didine aitb une très jolie robe. Je l’ai bien recommandée et je crois qu’enfin nous réussirons.
Je viens d’écrire à Mlle Hureau. La bonne ira demain matin chercher des choses indispensables pour Claire. En même temps elle prendra sa timbalec que nous lui changerons.
Pauvre ange tu travailles sans te plaindre. Pauvre bien-aimé tu es vraiment bon et admirable, je ne devrais t’aimer qu’à genoux. Je suis bien honteuse et bien repentante de ma brutalité de ce matin. Peut-être était-ce cette vilaine bile que j’ai rendue tout à l’heure qui en a été la cause. Oh ! mais c’est égal, je suis bien coupable et je n’ai jamais assez de pardon, pas assez de regrets à te demander et à te donner. Mais j’ai assez d’amour pour expier tous mes crimes.
On vient de m’apporter une lettre du remplaçant de M. Vidal qui est absent. J’en suis deux fois contrariée, je te dirai pourquoi [3].

BnF, Mss, NAF 16327, f. 288-289
Transcription de Nicole Savy

a) « diner ».
b) « aie ».
c) « timballe ».

Notes

[1Claire est chez sa mère en fin de semaine.

[2M. Alexandre Dumas, auteur du drame Kean ou Désordre et génie créé le 31 août 1836 au Théâtre des Variétés, avec Frédérick-Lemaître dans le rôle-titre.

[3Ces deux phrases rajoutées à la dernière minute, Juliette n’a plus la place de signer.

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