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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 mars 1840

31 mars [1840], mardi après-midi, 1 h. ¾

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon amour. Il fait bien beau aujourd’hui cette fois et tu serais bien gentil de me mener où tu voudras, peu importe, pourvu que je marche et que je prenne l’air. Le marchand de tablesa est venu tantôt mais Suzanne n’a pas voulu me réveiller et j’en suis fâchée parce que j’avais l’argent tout prêt. Il est vrai qu’il a dit qu’il reviendrait aujourd’hui, dans tous les cas nous pourrons le lui porter et voir en même temps les meubles Louis XIV en damas rouge qu’il a à vendre. En attendant je viens de me mettre dans une colère atroce contre la saleté et la flânerie de Suzanne et puis j’ai fait raccommoderb ma fontaine cassée au robinet par cette même Suzanne. Voilà à quoi je dépense l’argent si durement gagné par toi, mon adoré, je peux dire que pour mon compte je n’achète pas une aune de ruban dans toute une année ni une seule frivolité de coquetterie, ce qui n’empêche pas la dépense d’être fort lourde à mon grand regret. Baise-moi mon Toto. Pense que quand tu voudras faire usage pour ma maison des petites ressources que je t’ai indiquées, tu me rendras la plus heureuse femme du monde. Si tu savais comme c’est bien vrai tu n’hésiterais pas plus longtemps. Baise-moi toujours et aime-moi. Tu es mon adoré petit homme. Jour papa. Mon Dieu quel beau temps aujourd’hui. Mais je n’ai pas MAL À LA TÊTE. Voime, voime, c’est vexant. Baisez-moi toujours et venez bien vite ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 322-323
Transcription de Chantal Brière

a) « table ».
b) « racommoder ».


31 mars [1840], mardi soir, 6 h. ¼

Je ne t’en veux pas mon petit homme car tu as tes raisons pour ne pas me faire sortir quelles qu’ellesa soient. Je m’y soumets et je les respecte. Je t’écrivais tantôt que j’attendais le marchand de tablesb, il est revenu et de plus j’ai appris de lui que Suzanne s’étaitc trompéed de chiffre à l’endroit du meuble Louis XIV qui n’est autre qu’un meuble Louis XVI. Du reste je viens de voir le cordonnier Lafabrègue tout à l’heure à qui j’ai commandé des souliers en lui promettant de l’argent le mois prochain sur son ancien compte. En outre j’ai fait mes comptes de la fin du mois et j’ai trouvé comme à l’ordinaire un déficit qui se monte à 4 F. 2 sous ½. Ma foi je ne me suis pas donné la peine de vérifier mes additions comme je suis sûre de mon fait je me suis économisée la peine de refaire vingt fois les mêmes comptes pour retrouver de l’argent dépensé que j’aurais mis dans ma poche de dessous par MÉGARDE. D’ailleurs ce n’est pas trop gagné que 4 F. 2 sous ½ par mois et vous ne devez pas vous plaindre en bonne conscience. Baisez-moi toujours pour la peine et apportez-moi de la copie si vous m’aimez et si vous ne voulez pas que votre absence me paraisse encore plus triste et plus insupportable. Vous êtes toujours bien i d’être revenu me voir tantôt. Seulement je crains que vous n’alliez ce soir chez M. popup|texte=THIERS|lien=article969> auquel cas je serais dans mon droit de me fâcher et de trouver votre conduite envers moi par trop égoïste et trop personnelle. Cependant j’espère encore que tu n’iras pas et je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 324-325
Transcription de Chantal Brière

a) « quelqu’elles ».
b) « table ».
c) « c’était ».
d) « trompé ».
e) « économiser ».

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