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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 juillet 1851, mardi matin, 7 h.

Bonjour, mon bon petit homme, mon cher petit homme, mon VRAI petit homme, bonjour. Comment vas-tu ce matin, mon pauvre doux aimé ? La pensée que tu peux souffrir davantage ce matin à cause de ma triste folie d’hier me tourmente et me rend malheureuse au dernier point. Tant que je ne t’aurai pas vu, tant que je ne serai pas sûre que mes inquiétudes ne sont pas fondées, tant que je ne t’aurai pas demandé pardon avec tous mes regrets, tout mon cœur et toute mon âme, je ne pourrai pas te sourire de mon vrai sourire de bonheur et de joie.
Je voudrais être déjà à tantôt pour être bien sûre de n’avoir rien de grave à me reprocher envers ta pauvre chère santé, mon trop bien aimé. D’ici là, tâche de ne rien faire toi-même qui puisse ajouter au mal involontaire que je t’ai fait hier. Si tu fais cela, mon bon petit homme, si tu ne souffres pas, si tu me pardonnes et si tu m’aimes, oh ! alors je n’ai plus d’inquiétude, plus de remords, plus d’amertume et de défiance. Je suis heureuse. Quel bonheur ! quel bonheur ! quel bonheur ! Le bon Dieu nous montre l’exemple à tous les deux en faisant le soleil si beau et si doux pour te guérir plus vite. Profites-en mon bien-aimé et je te promets de mon côté de me guérir de ma triste maladie secrète. Quel que soit le bonheur de lire un de tes admirables discours, mon sublime petit homme, quelles que soient l’attente et l’impatience de tout le monde après tes divines paroles, je t’avoue que je ne souhaite pas que tu parles cette fois si cela peut te faire le moindre mal. Il n’y a pas de dévouement qui puisse exiger que tu sacrifiesa ta santé et de triomphe qui puisse la payer. C’est mon opinion. Elle n’est pas d’une spartiate mais d’une femme qui t’aime plus que tout au monde.

Juliette

BnF, Mss NAF 16369, f. 105-106
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « que tu sacrifie ».


8 juillet [1851], mardi soir, 11 h.

Merci, mon doux bien-aimé, merci d’être venu ce soir. Merci avec ma joie de t’avoir vu, avec ma reconnaissance pour la peine que tu as prise, avec tout mon amour, avec tout mon cœur et toute mon âme, merci. Maintenant que tu es bien sûr que je suis tranquille, que je ne me tourmente plus, que j’ai toute la confiance dans les paroles si tendres, si sérieuses et si saintes que tu m’as dites, je ne veux pas que tu t’imposes la fatigue de venir me voir à l’heure de ton repas et dans le moment le plus occupé de ta vie. Autant je serai heureuse de tous les instants de loisir que tu pourras me donner, autant je serais malheureuse de savoir que je te suis un fardeau et un ennui ajouté à tous ceux sous lesquels tu plies. Je veux que tu te ménages, mon pauvre doux adoré, je veux que tu sois éternellement jeune, beau et charmant, dussé-je, pour cela te faire un talisman de ma patience, de mon courage et de ma résignation. Je consens à être la pauvre vieille fidèle Bauldour pourvu que tu sois toujours le jeune et beau Pécopin. Ma jeunesse à moi, c’est ton sourire, ma beauté ton amour, ton bonheur ma joie. Sois heureux, mon petit homme, tu ne le seras jamais autant que je t’aime. Aies confiance en moi en tout puisque je n’ai pas d’autre souci, d’autre ambition que ton bonheur sous quelque forme qu’il soit. J’ai tous les courages et tous les dévouements pour toi car j’ai tous les amours. Aussi je t’en supplie, au nom de tout ce que tu as de plus cher, de plus vénéré et de plus sacré, ne me trompe pas pour rien et sur rien, si tu ne veux pas que je meure désespérée.
Bonsoir, bien-aimé, dors bien. Je t’envoie toutes mes plus douces pensées pour te bercer et te sourire en rêve.

MVHP, Mss, a 9141
Transcription de Florence Naugrette

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