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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 23 février 1852, lundi matin, 8 h.

Bonjour mon ineffable bien-aimé, bonjour. Je me hâte de te dire que je vais mieux pour que ton sommeil ne soit pas troublé par la pensée de me savoir souffrante. Mais toi, mon pauvre adoré comment vas-tu ? La fièvre de ton rhume est-elle tombée ? As-tu bien dormi ? Voilà ce que je voudrais savoir pour être aussi bien tranquille de mon côté sur toi.
Suzanne vient de te porter du charbon et de la braise. Il est inconcevable que ne faisant qu’un feu dans la journée tu en uses trois fois plus que moi. Mon pauvre adoré, je ne fais cette remarque que parce que je crois qu’il y a un double emploi avec tes tabatières [1]. Du reste mon pauvre petit homme, si c’est toi qui l’uses tout tu en as parfaitement le droit et tu fais très bien de te mettre en serre chaude. À propos de serre chaude, il paraît que notre Charlot venait de rentrer au moment où Suzanne apparaissait. S’il n’avait pas encore dormi de la nuit, il doit faire un fameux somme d’ici à l’heure du dîner et je te conseille de ne pas l’attendre pour prendre ton chocolat. Mais quelle vieille bavarde je fais. À quoi serviront des conseils pour ce matin que tu liras ce soir. C’est absurde ! C’est que je me fais toujours illusion quand je t’écris ; il me semble que c’est avec toi que je parle de sorte que je me laisse aller au verbiage sans m’en apercevoir. Mon Victor bien-aimé, je t’adore, je te baise depuis un bout jusqu’à l’autre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 131-132
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Bruxelles, 23 février 1852, lundi, midi

Est-ce bien sûr que tu vas mieux, mon doux adoré ? Pour que je sois plus convaincue, tu devrais m’apporter ta chère petite santé à vérifier depuis la racine de tes cheveux jusqu’à tes chers petits pieds. Pense que je ne te verrai presque pas aujourd’hui à cause de ton dîner que tu prolongeras évidemment jusque tard dans la soirée. Si tu ne trouves pas moyen de venir un peu dans la journée, penses-y mon petit homme et fais tous tes efforts pour me donner quelques minutes de vraie joie d’ici à tantôt.
Combien je te remercie mon Victor de la confiance que tu me témoignes et dont je suis digne à force de respect et de vénération pour ta sainte femme. Si jamais l’occasion se présente de me dévouer pour elle jusqu’à la mort, je lui prouverai que je ne suis pas la créature qu’elle suppose. En attendant, mon Victor adoré, je l’aime à travers toi comme j’aime tes enfants. Il me semble que toute cette famille m’appartient et qu’il y a de mon sang dans leur sang, et de mon âme dans leur âme. Je voudrais pouvoir les servir et me mettre comme blindage entre EUX et tout ce qu’il y a de mauvais et de malfaisant dans ce monde. J’ai tant besoin de t’aimer qu’il faut que j’aime tout ce que tu aimes et encore je ne trouve pas le fond de mon amour. Cher adoré, jamais homme ne sera aimé par une femme comme tu l’es par moi.
Je te remercie de ta clef ; c’est une bien précieuse relique que je garderai pieusement avec toutes les autres. Oh ! mon Dieu, je pense avec une sorte de désespoir superstitieux que j’ai laissé passé l’anniversaire [2] de notre bonheur. Oh ! mais [il faut réparer cet oubli aujourd’hui  ?], n’est-ce pas mon Victor adoré ? Je t’attends avec une [double  ?] impatience et tâche de venir très vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 133-134
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Les propriétaires du logement occupé par Hugo tiennent un débit de tabac. Juliette les soupçonne de puiser, pour leur propre usage, dans la réserve de charbon du proscrit.

[2Victor Hugo et Juliette célèbrent chaque année, au moins dans leur correspondance, l’anniversaire de leur première nuit d’amour (16 au 17 février 1833).

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