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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 10 décembre 1852, vendredi matin 8 h.

Bonjour, mon pauvre tourmenté, bonjour, mon pauvre grand bien-aimé, bonjour.
En y réfléchissant bien, mon pauvre adoré, il est impossible, quelles quea soient l’inexpérience et la passion de ton jeune fils [1], qu’il ne fasse jamais rien qui compromette son nom [2]. Aussi, mon pauvre cher petit homme, j’espère, je suis sûre même, que ton pauvre petit ensorcelé n’ira pas au-delà des folies traditionnelles, quelques lettres de change et voilà tout. Voilà tout. Tu comprends comment je te le dis, mon pauvre adoré, car je sais mieux que personne les charges qui pèsent déjà sur toi et je sens mieux que toi-même la difficulté de ta position. Aussi, mon pauvre bien-aimé, je te plains autant que je t’aime mais je suis sûre que ton pauvre enfant ne fera rien et n’a rien fait d’irréparable, quelle quea soit la terreur des grands-parents. Dans le premier moment, j’ai été comme toi très effrayée mais, en y pensant bien, toutes mes craintes sérieuses se sont dissipées devant l’intelligence si distinguée et le cœur si noble de ce jeune homme. Vas, tu n’as rien à craindre, mon Victor, c’est mon cœur et mon âme qui te l’affirment. Je t’aime trop pour m’abuser sur ce qui peutb te causer un chagrin sérieux. Tu retrouveras bientôt ton cher enfant désabusé et pur de toute souillure morale. Je le sens bien profondément, mon Victor adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 249-250
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « quelque ».
b) « peux ».


Jersey, 10 décembre 1852, vendredi midi

Je pense à toi, mon pauvre affligé, je t’aime, je te plains, je t’admire, je t’adore. Ne t’inquiète pas outre mesure, mon Victor, car j’ai l’intime conviction que tout s’expliquera, sinon à ta plus grande satisfaction, au moins pour ta plus grande tranquillité, en ce qui touche ton nom et le cœur de ton fils [3]. En attendant, mon cher petit homme, il ne faut pas te tourmenter sur le cri d’alarme poussé autant par la pruderie que par la poltronnerie de ce pauvre Paul Foucher, dont le cœur est aussi myope que les yeux. Si j’étais moins préoccupée de la pensée de te savoir tourmenté, je te parlerais d’une très bonne et très longue lettre de la pauvre Dillon, que j’ai reçue hier en rentrant. Mais tu la verras quand tu auras le temps ; d’ici là, mon pauvre petit bien-aimé, je ne veux pas que tu t’inquiètes et que tu sois triste. Tâche de venir bientôt, mon doux adoré, pour le plaisir de mes yeux, la volupté de ma bouche, la joie de mon âme et le bonheur de mon cœur. Je t’attends, je te désire, je t’aime, je t’adore et je ne vis qu’en toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 251-252
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[2Reparti à Paris depuis le 14 octobre François-Victor vit une liaison tumultueuse avec la comédienne Anaïs Liévenne qui fait supporter à son amant son mode de vie luxueux et ses dettes.

[3La liaison de François-Victor et Anaïs Liévenne fait plus qu’inquiéter la famille et les proches pour des questions d’honneur et de respect mais aussi d’argent : « Publiquement entretenue par le jeune et richissime vicomte de Waresquiel, Anaïs Liévenne entretenait à son tour, presque aussi publiquement, François-Victor, lequel accumulait les dettes pour tenter de donner le change, mais le jeu était trop inégal […] Mon cher ami tu es fou écrivait à François-Victor l’auteur de La Dame aux Camélias […] quelque amitié que j’aie pour toi, tu n’arriveras pas à me faire prendre au sérieux ton amour pour Mlle Liévenne et la réhabilitation des courtisanes […] Dumas fils n’était pas le seul à veiller sur l’honneur de la famille : […] Julie Foucher, Victor Foucher et Abel Hugo se désolaient des frasques de leur neveu ingrat […] », Jean-Marc Hovasse,Victor Hugo, t. II. Pendant l’exil I. 1851-1864, Fayard, 2008, p. 110-111.

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