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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 24 juillet 1852, samedi matin, 7 h.

Bonjour mon Victor, bonjour mon beaucoup trop aimé, bonjour, à peine ai-je les yeux ouverts que je pense aux chances plus ou moins bonnes que j’ai de te voir plus tôt dans la journée. Aujourd’hui je n’en vois aucune car plus nous approchons de la parution de ton livre et plus les embarras redoublent. Aussi je comprends que tu ne t’appartiens pas et je me résigne courageusement à ne te voir que lorsque tu pourras. Seulement tâche que ce soit bientôt. J’accepte en toute confiance l’implication de la singulière lettre que j’ai trouvée hier et je mets ma vie sans hésiter sous la protection de ta sincérité, mon trop cher adoré. J’aime mieux mourir que de te savoir infidèle, aussi je suis sûre que si tu me trompes je mourrai avant de connaître mon malheur. C’est la prière que je fais tous les jours en me levant et tous les soirs en me couchant. J’espère que le bon Dieu m’exaucera cette fois. En attendant, sois béni mon adoré bien aimé dans l’œuvre immense et sainte que tu as entreprise et dans ton adorable famille.
J’ai été un peu contristée hier de voir que tu me refusais presque les quelques meubles que tu voulais donner, il y a un mois, à la première personne venue ou à Luthereau. Aujourd’hui que je te les demande comme souvenir de notre exil, comme monument de ton séjour, et comme relique de ton sublime martyrea. Tu hésites à me les donner comme s’il y avait quelqu’un au monde plus digne que moi de les posséder par le dévouement, par l’admiration et par l’adoration que j’ai pour ta personne, pour ton génie et pour ton âme. Ce qui ne te paraissaitb pas valoir la peine d’être emporté quand je ne le demandais pas devient, dès que je le désire, quelque chose que tu ne peux m’accorder. Que ta volonté soit faite. S’il y a quelque chose d’amer pour moi à être refusée dans ce désir bien naturel, il y aussi quelque chose pour moi de bien consolant de penser que je t’ai donné la mesure et la valeur de ces objets précieux et sacrés par le souvenir qui s’y rattache, par l’honneur qu’elles ont eu de t’appartenir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 189-190
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « martyr ».
b) « paraissais ».

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