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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 janvier, samedi après-midi, 3 h.

J’allais finir ce gribouillis hier, mon adoré bien-aimé, lorsqu’on est venu me déranger. Aujourd’hui je ne cours pas ce risque car ces dames sont sorties et il est probable que tu seras archi pris par les visiteurs jusqu’à ce soir. J’ai donc tout le temps de promener mes pattes de mouche sur le papier d’ici là. Aussi je vais mettre du noir sur du blanc en t’attendant car j’ai besoin d’épancher le trop plein de mon cœur et de rattrapera tout le temps perdu en baguenauderies de toutes sortes depuis deux jours.
Pauvre bien-aimé, il pleut à verseb. Si je pensais que Suzanne te trouve chez toi je t’enverrais un parapluie mais je crains que tu ne croies que c’est une manière de te surveiller. Je suis fort embarrassée. Cependant il serait stupide de te faire mouiller jusqu’aux os. Décidément j’y envoie Suzanne. Tant pire [1] pour vous si vous vous méprenez sur ma sollicitude. D’ailleurs, je ne suis pas fâchée chemin faisant de savoir ce que vous faites et avec qui vous faites. Taisez-vous, cher scélérat, et aimez-moi tout ce que vous pourrez m’aimer ce ne sera jamais trop ce ne sera même jamais assez pour tout l’amour que j’ai pour vous. Ceci est la plus grande vérité qui ait jamais existé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 47 (verso)-48
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « rattrapper ».
b) « averse ».


Bruxelles, 31 janvier 1852, samedi après-midi, 3 h. ½

Cher bien-aimé, j’aime ce temps pour l’harmonie qu’il a avec la tristesse de mon âme. Je lui en aurais voulu d’être gai et heureux le jour où nous nous séparons Dieu sait pour combien de temps. Ce n’est pas que je ne sois très reconnaissante des trois semaines de parfait bonheur que la providence m’a données, mais j’aurais eu encore bien besoin de trois autres semaines de bonnes nuits et de douces soirées pour me remettre en bonne santé de corps et de cœur. Je ne murmure pas mon Victor, je regrette notre ineffable intimité et je te bénis de toutes les forces de mon âme.
Ton Charles ne peut plus tarder beaucoup à venir maintenant, mon bon petit homme, aussi je reconnais que tu ne peux plus t’absenter la nuit de chez toi, pauvre adoré. Tous les sacrifices qu’il faudra faire dans l’intérêt de ta chère famille, dans celui de ton repos et de ta dignité je les accepte tous d’avance sûre que je suis de trouver dans mon amour et dans mon dévouement la force et la la résignation nécessaires.
Voici Suzanne qui revient et qui ne t’a pas trouvé. J’espère que les personnes chez lesquelles tu es te prêteront un parapluie pour revenir. J’espère encore que nous pourrons dîner ensemble ce soir à moins que ton Charles n’arrive par le convoi de 5 h. Enfin, mon pauvre bien-aimé je recevrai avec reconnaissance et avec bonheur tous les pauvres petits moments que tu pourras me donner maintenant. En attendant je cherche des forces et du courage dans le souvenir de notre bonheur passé et je t’adore de toutes les puissances de mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 49-50
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Usage correct au XIXe siècle.

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