27 avril 1881

Paris, 27 avril 1881, mercredi matin, 6 h. ¼

Cher bien-aimé, il me semble que tu as passé une bonne nuit mais je n’ose pas m’y fier parce qu’il m’arrive trop souvent de me tromper en prenant l’apparence pour la réalité. Ce qui est réel c’est que j’ai bien dormi cette nuit, que je t’adore et que je te bénis.
Je me suis levée en avance sur le soleil qui reste encore caché sous son rideau de nuages et dans son manteau de froid. J’attends, en soufflant dans mes doigts pour les réchauffer, qu’il soit l’heure d’éveiller Célanie et de lui faire faire du feu dans ma chambre.
Entre-temps, j’ai écossé le courrier d’hier soir dans lequel une lettre de M^me Chenay remplie de tendresse et de comptes. Elle espère, et elle s’en réjouit d’avance, que tu iras chez toi cette année [1]. Il paraît que M^me Ménard fait chercher une maison meublée pour elle et sa famille dans ton voisinage pour trois mois, ce qui attirerait très probablement M^me Lockroy, surtout si tu y allais toi-même. Moi je suis prête à faire tout ce qui pourra te plaire, tel est mon programme.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 92
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette