29 septembre 1881

30 septembre 1881

Paris, 29 septembre 1881, jeudi, 12^eanniversaire de Petite Jeanne

En l’honneur de ce jour douze fois béni, et en l’honneur de notre vieil amour qui rase de si près la terre du tombeau et qui touche de si près à l’azur éternel, je t’écris cette grosse restitus sans être bien sûre de la finir tant je me sens faible et débile. Mais c’est égal, il me restera le bonheur de l’avoir entreprise, c’est déjà beaucoup. Je me suis déjà occupée de la fête de ce soir et à ce sujet je te prie de ne pas oublier la petite somme que tu as coutume de donner à cette occasion à tes deux enfants. À l’anniversaire de Georges 20 F. et 10 F à Jeanne. Cette fois ce sera le contraire : 20 à Jeanne et dix francs à Georges. Je te l’écris pour que tu ne l’oublies^a pas. De mon côté je fais mettre les petits plats dans les grands et j’ai commandé force friandises ainsi que des carafes^b frappées et du vin de champagne. J’espère n’être pas trop patraque ce soir pour prendre ma part du festin et de la joie générale.
En attendant je viens d’écrire au citoyen Méaulle pour lui réclamer le second portrait de M^me Victor Hugo par Pierre Petit.
Outre cette négligence étrange, j’ai constaté le peu de soin qu’il avait eu des portraits de tes fils dont tous les cadres sont brisés. Entre nous, cette incurie n’est rien moins qu’aimable, surtout quand c’est par obligeance qu’on a confié ces chères et précieuses images à ce monsieur. J’espère qu’il va se hâter de me renvoyer ce second portrait auquel je tiens. J’ai chargé Colbeau de recoller le mieux possible les cadres de tes fils. Une autre fois j’y regarderai à plusieurs fois avant de rien confier à ce monsieur-là. Puisque te voilà, cela me dispense du mot de la fin avec un baiser, ce qui est encore plus spirituel.